mardi 11 septembre 2007

Très exposé, l'Etat brille par son absence

Logement, école, police. l’implication, tant vantée par le président Sarkozy, fait défaut en banlieue et ailleurs.

Par Thierry MANDON, maire de Ris-Orangis (Essonne).

LIBÉRATION du mardi 11 septembre 2007

C’est le jour choisi par le président de la République pour décentraliser son conseil des ministres à Strasbourg. Montrer que l’Etat est présent partout. Très bien.

Premier rendez-vous de la matinée : un très beau projet, la création d’un éco-quartier d’environ 550 logements neufs, en lieu et place du Dock des alcools, une friche industrielle au bord de la Seine. Après dépollution du site, le programme intégrera toutes les prescriptions environnementales les plus avancées (très faible consommation énergétique des logements, chauffage par géothermie, récupération des eaux de pluie, plan de circulations douces…) et permettra, pour plus de 20 % des constructions neuves, à des locataires HLM d’acquérir un appartement pour la première fois. Et ce à des conditions que le coût des terrains et le prix de la construction rendent presque impossible à moins de 50 kilomètres de Paris. Le montage de l’opération est ardu : coût de la construction, contraintes de la loi handicap 2007 (qui oblige à rendre accessible aux handicapés moteurs tout nouveau logement, ce qui augmente le coût d’environ 10 %), et paramètres écologiques.

Le numéro 2 du gouvernement, seul ministre d’Etat, est chargé du développement durable, par ailleurs ancien ministre de la Ville et du Logement. Grandes déclarations sur l’écologie et l’accession à la propriété. Combien cet Etat qui organise bientôt un «Grenelle de l’environnement» et promet la propriété pour tous a prévu de mettre dans ce type de projet ? Pas un centime.

Déjeuner avec les directeurs d’école maternelle et primaire de ma ville (Ris-Orangis, 25 000 habitants, entre Evry et Grigny, dans l’Essonne). Une des rentrées les plus difficiles qu’ils aient eu à connaître. Dans les maternelles, la norme est désormais de 30 élèves par classe (l’ouverture d’une classe n’est déclenchée qu’au-delà de 31 élèves), y compris dans les quartiers sensibles et reconnus comme tels par l’Etat. Il y a quelques années la moyenne était de 25-26. Les deux psychologues et le médecin scolaire partis n’ont pas été remplacés. Il n’y aura donc qu’un seul médecin scolaire pour 3 000 élèves cette année. La prime aux directeurs, promise par le ministre de l’Education nationale en janvier, 15 euros par mois, n’a pas été versée. Dans les deux collèges de la ville, on annonce plus d’élèves et moins d’enseignants, quand le collège devrait au contraire être l’objet d’une priorité absolue, puisqu’on constate que c’est à cet âge-là que les problèmes commencent. Un responsable local d’une association de parents d’élèves du public démissionne et inscrit son enfant dans le privé, sidéré par les annonces de suppression de postes dans les collèges.

Fin d’après-midi. Des élèves du lycée professionnel nous ont informés ce matin que des règlements de comptes entre bandes du quartier des Pyramides (Evry) et du Canal (Courcouronnes) étaient prévus aux portes du lycée à 17 heures. Le commissariat de police nationale d’Evry a été prévenu aussitôt. Mais à l’heure dite, seuls trois policiers municipaux sont sur place, encerclés par une centaine de lycéens dont certains sont armés de couteaux de cuisine. Des gaz dispersants auront raison de l’ébauche d’affrontements. Le pire a été évité, les policiers municipaux en sont quittes pour une des plus grosse frayeur de leur carrière. Où est la police nationale ? Quarante minutes après la bagarre, elle se pointe enfin et constate que «tout est calme».

Journal télévisé de 20 heures, le même jour. A Strasbourg, frontière orientale, le président de la République a parlé sécurité. Il a probablement parlé aussi éducation, environnement, logement. L’Etat volontariste est de retour, partout, il est dynamique, il a la gniaque, un bulldozer en action, médiatiquement omniprésent.

A 25 kilomètres de Paris, c’est la frontière des beaux discours qu’on touche du doigt. Sarkozy partout, Etat nulle part. Les beaux discours d’un côté, les beaux draps de l’autre.

Thierry MANDON, Maire de Ris-Orangis

http://www.liberation.fr/rebonds/277500.FR.php