mercredi 21 février 2007

Discours de Ségolène ROYAL sur l'emploi - Rennes le 20/02/07


Chers amis, je suis heureuse de vous retrouver si nombreux, foule amicale, rassemblement joyeux et qui autorise tous les espoirs. Nous commençons ici notre marche vers la victoire. Je veux d’abord saluer Rennes, une ville que la gauche avec Edmond Hervé et son équipe a su mettre à l’avant-garde de la technologie, du développement durable, avec un pari sur le transport collectif qu’il a su excellemment relever. Edmond, au moment où tu as annoncé ta décision de mettre un terme en 2008 à ton mandat, je veux dire que pour tous les socialistes tu es une référence morale et un exemple pour toute une génération d’élus dont je suis.

Je veux saluer la Bretagne avec Jean-Yves Le Drian et toute son équipe. Une Région fière, et tous les élus ici présents, je vois Louis Le Pensec, Marylise Lebranchu, François Marc, tous les autres. Cette belle région fière de son identité et de sa culture, mais ouverte aux autres, à l'Europe et au monde.

La Bretagne de la mer, première région maritime française qui se mobilise pour défendre ses métiers, en particulier ceux de la pêche, mais aussi des industries navales, celle qui se bat pour sa sécurité contre les pollutions, celle qui a payé si cher le prix des catastrophes maritimes pour savoir que la mer doit d’abord être protégée, cette Bretagne qui au moment du procès de l’Erika crie : plus jamais cela ! Alors que des firmes sans scrupules mais pas sans argent prennent le risque de dégrader pour l’éternité le patrimoine commun de l’humanité et ne font même pas le geste d’indemniser de façon unilatérale l’ensemble des communes qui ont été souillées. C’est un scandale par rapport aux supers profits des compagnies pétrolières.

Je veux saluer la Bretagne de la terre, celle qui a fait de cette région agricole l’une des premières d’Europe avec un modèle coopératif qui vous inspire une légitime fierté, mais aussi celle qui fait un effort pour une agriculture enfin respectueuse de l’environnement et qui s’inquiète devant les perspectives de la future politique agricole commune et qui demande, comme je le fais aussi, la régionalisation des aides. La Bretagne de la terre, bien sûr, mais aussi celle de ses industries d’avenir, de ses entreprises dynamiques, de ses laboratoires réputés, mais aussi la Bretagne qui s’inquiète quand un libéralisme débridé frappe des secteurs clés que sont l’automobile et la filière électronique. Et l’exemple d’Alcatel démontre encore combien le profit à court terme des fonds de pension peut mettre à bas des centres de recherche et d’innovation. Oui, je suis aux côtés de cette Bretagne qui résiste et qui lutte. Et cette cause-là est désormais la mienne et je veux dire aux salariés d’Alcatel menacés de délocalisation, et que nous venons de recevoir tout à l’heure avec Edmond Hervé et Jean-Yves Le Drian, je veux leur dire, et toute cette salle veut leur dire notre solidarité entière, notre colère contre l’inertie gouvernementale, notre volonté de construire une politique industrielle française et européenne, Airbus d’un côté, les télécommunications de l’autre, mais que fait l'Europe pour se défendre ? Que fait le gouvernement pour mettre fin à l’inertie et à la naïveté ? Oui, nous devrons conduire des politiques économiques modernes, oui nous devrons relever le pays avec une efficacité assumée.

Et je le dis ici, nous le disons, disons-le tous ensemble, nous sommes solidaires des salariés d’Alcatel. Cette délocalisation n’a aucun sens et nous devons y résister !

Et, comme il nous le disait tout à l’heure, il est insupportable qu’une entreprise de pointe, de matière grise, insérée dans un pôle de compétitivité, se voit aujourd’hui menacée. Et je le réaffirme ici solennellement, la régionalisation est le fait que l'État donnera des moyens suffisants aux Régions pour défendre les entreprises des pôles de compétitivité, la régionalisation sera un des leviers d’une politique économique efficace. Oui, une nouvelle étape de la régionalisation sera lancée avec des transferts clairs de compétences comme le développement économique et l’équipement des universités. Et pour éviter les confusions, les péréquations indispensables viendront assurer l’égalité territoriale avec une réforme de la fiscalité locale sans laquelle il n’y a, ni justice, ni efficacité.

Décider au plus près, agir au plus juste, dépenser mieux, voilà l’esprit d’une nouvelle décentralisation qui permettra aux élus d’être plus responsables, aux citoyens d’être davantage associés, à l'État d’être plus ferme dans ses choix et plus respecté dans ses décisions.

Je ne conçois pas, à la différence des autres, le pouvoir comme une propriété. Je ne veux pas d’un État impotent à force d’être omniprésent et inactif alors qu’une administration doit faciliter et non pas empêcher. Le conservatisme, c’est d’abord le maintien d’un système politique épuisé et d’une centralisation archaïque et la République nouvelle que j’appelle de mes vœux, c’est une démocratie partagée qui repose sur la clarté dans les compétences, la transparence dans les financements et la responsabilité dans les actes.

Et je le dis ici aussi en respect pour les identités régionales et je sais que vous y êtes attachés. Je ferai ratifier la charte des cultures et des langues régionales pour donner toute leur place aux identités culturelles et linguistiques (culture, musique et langues). Et cet effort-là, cet engagement n’est pas incompatible, au contraire, avec ma volonté de promouvoir la francophonie à travers le monde.

Chers amis, nous sommes presque jour pour jour à deux mois du premier tour de l’élection présidentielle. Ce premier tour décidera grandement de l’issue du scrutin et je n’oublie pas le 21 avril 2002. Rien n’est jamais fait et je voudrais dire ici les ravages que peuvent produire la dispersion des candidatures et l’effacement des enjeux ou l’oubli des clivages essentiels. Car le premier tour détermine toujours la dynamique de victoire. Et c’est pourquoi, si l’on veut faire gagner la gauche, permettre le changement, ouvrir l’espérance, il faut être au rendez-vous dès le 22 avril prochain.

Oui, nous sommes à deux mois de cette échéance et j’en vois déjà certains qui s’auto-célèbrent, qui se congratulent, qui se désignent avant l’heure. Comme si les Français s’étaient déjà prononcés, comme si l’élection se jouait sur la base de quelques pronostics. Laissons-les croire, laissons-les à leur arrogance et avançons sereinement sur notre chemin, il est le bon.

Moi, j’ai confiance dans notre mouvement, votre présence nombreuse en est le signe. J’ai confiance dans la lucidité des Français sur le bilan des uns comme sur celui des autres. Et ceux qui ont été responsables de l’échec d’aujourd’hui ne peuvent pas être les mieux placés pour permettre le succès de la France demain.

J’ai confiance dans la confrontation des projets et dans la défense du Pacte présidentiel que je propose aux Français. La France que nous voulons ne ressemble pas à celle d’aujourd’hui et encore moins à celle que nos concurrents de droite nous proposent.

Alors, oui, nous avons un devoir de victoire, non pas pour nous-mêmes, non pas la victoire d’un camp contre l’autre, mais celle d’une France qui sait que pour être forte il convient d’abord d’être juste.

Il nous faut gagner et gagner dans la clarté. La clarté commence dans la reconnaissance des idées politiques. Celle, bien sûr, ou celui, je préfère le féminin, bien évidemment, qui sera élu sera le président ou la présidente de tous les Français, et devra certes diriger…, et cette présidente devra diriger le pays en fonction bien évidemment de ce Pacte présidentiel et dans le respect de chacun.

Mais c'est aussi l’honneur de la politique de ne pas dissimuler d’où l’on vient. De mon côté, il n’y a aucune ambiguïté : je suis une élue socialiste depuis quatre mandats, j’ai été ministre de François Mitterrand puis de Lionel Jospin, et j’ai participé à l’une des actions réformatrices les plus honorables de la Ve République. Je suis présidente d’une région, comme ici, au nom d’une majorité rassemblant toute la gauche, car telle est ma stratégie, l’union des forces de progrès. Seule cette stratégie permet de battre toute la droite. Alors, je vous pose une question : est-ce que par le passé, dans la vie politique, ceux qui se disent ni de droite ni de gauche n’ont-ils pas toujours fini par tomber du même côté ?

Dans cette campagne, ceux qui y ont intérêt cherchent à brouiller les cartes, soit parce qu’il faut oublier qu’ils sont comptables du bilan, ou alors pour faire oublier que les élus dont ils relèvent dans toutes les assemblées locales gouvernent pratiquement partout avec la droite.

Le candidat de l’UMP lui-même cherche à faire oublier qu’il est le candidat sortant. Eh bien, mes chers amis, je vous le demande, il est temps de faire cesser cette confusion molle et de mettre la vérité devant. La vérité, pour les Français, c’est d’abord la politique par la preuve. Et le bilan du candidat sortant, il est là : une croissance plus faible que dans la plupart des pays européens, un chômage qui ne baisse que dans les statistiques officielles faute de créations d’emplois, un endettement public qui est passé de 900 à 1 200 milliards d’euros en moins de cinq ans, un déficit cumulé des comptes sociaux de plus de 60 milliards d’euros depuis 2002, un déséquilibre historique de la balance commerciale, 30 milliards d’euros ; en d’autres temps, nous aurions payé cette ardoise par une dévaluation du franc. Et comment justifier l’augmentation de plus de 200 000 du nombre de RMIstes ? La progression de la précarité, dès lors que 70 % des embauches se font en CDD ou en intérim ? L’amputation du pouvoir d’achat des retraités, la stagnation des salaires et la hausse des prélèvements obligatoires ? Mais comment venir devant les Français avec une telle succession d’échecs ? C’est une mission impossible ! Et même sur ce qu’il voudrait être son propre terrain, celui de la sécurité, les chiffres infligent un démenti cinglant, et là aussi, il y aura un travail immense pour reconstruire ce qui a été détruit. Depuis 2002, jamais la délinquance des mineurs n’a autant progressé, jamais notre pays n’a connu un tel déchaînement de violences urbaines pendant plus de trois semaines. Alors c’est vrai, nul candidat sortant ne peut être élu sur un tel bilan. Si je dis cela, ce n’est pas pour tomber dans je ne sais quelle polémique dont les Français sont fatigués, mais c’est parce que je crois que la morale politique, à un moment, c’est de savoir rendre compte sur ses actes. Et comme c’est très difficile pour le candidat de la droite sortante de rentre des comptes sur ses actes, alors il préfère fuir, s’échapper, s’évaporer du gouvernement, tout en gardant tous les avantages de l’appareil de l'État. Quel terrible paradoxe, où celui qui prétend rompre avec une équipe disqualifiée s’accroche jusqu’au bout à un gouvernement, pour bénéficier encore pour quelques jours des moyens considérables que lui donne son Ministère !

En politique, c’est la constance dans l’action qui rassure et par les variations selon les circonstances. Alors oui, la clarté est là, les Français vont avoir le choix dans deux mois entre la continuité qui a son candidat et le changement, le changement profond qui consiste à mettre de la justice pour donner de la force, un changement dans les institutions pour mettre des contrepouvoirs afin de donner de la responsabilité au peuple français, un changement dans la méthode, mettre de la démocratie pour donner la confiance, et un changement sur la morale politique et sur l’exigence d’efficacité.

Voilà pourquoi la clarté exige la confrontation des projets. J’y suis prête. J’ai présenté le pacte présidentiel, c’est ma vision de la France. Mes engagements, une centaine de propositions autour de sept piliers qui répondent au double défi de l’urgence et de la préparation de l’avenir : le travail pour tous, le pouvoir d’achat garanti, la réussite éducative et culturelle, la lutte contre toutes les formes de violence, les sécurités durables, l’excellence environnementale et la République nouvelle. Et vous êtes venus très nombreux pour m’aider à construire ce pacte dans cette phase de débat, plus de 2 millions ! C’est ce qui en fait la solidité, la modernité, et qui en garantit l’efficacité et la justice. Plus de deux millions d’entre vous sont venus, d’une façon ou d’une autre, dire ce qu’ils avaient sur le cœur et que la société politique ne voulait plus entendre. Eh bien, cette parole, vous l’avez prise. Non seulement je vous demande de la garder, non seulement à ceux qui ne l’ont pas prise, je vous demande de la prendre au plus vite sur ce Pacte présidentiel, mais je vous annonce qu’avec moi, plus jamais la politique ne se fera sans vous, et de cela, de cette phase d’écoute, oui, j’en suis fière. Et cela ne veut pas dire, comme feignent de le croire ceux qui me critiquent et qui font tout pour caricaturer, que j’ai oublié en chemin que la politique, c’est l’art de choisir, de trancher, et de le faire d’une manière qui n’est pas nécessairement populaire. Cela ne veut pas dire, non, que j’ai oublié que l’un des premiers gestes de François Mitterrand, l’un des plus beaux, l’un de ses plus grands gestes, l’un de ces vrais actes qui donnent à la politique sa noblesse fut l’abolition de la peine de mort, à laquelle il savait qu’une majorité de Français n’était pas favorable. De la même façon, lorsque je dis, et je sais que cela bouscule les habitudes, lorsque je dis que nous construirons la France métissée, c’est-à-dire la France qui fait de toutes ses différences, y compris de ses identités régionales, qui fait de toutes ses différences avec tous ses enfants, d’où qu’ils viennent, ceux qui sont issus de la première, de la deuxième, de la troisième génération, et je ne veux plus qu’on utilise cette expression, que l’on n’utilise jamais pour les enfants venus des pays d’Europe, cette France métissée, c’est-à-dire celle qui est faite de toutes ces différences, cette France-là doit se lever, parce qu’on a besoin de toutes ces forces, de tous ces talents, dans leur diversité et dans leur authenticité. Alors que l’on cesse de crier au populisme parce que j’ai pris la peine, avant d’agir, d’entendre ce que le peuple a à nous dire. Qu’on cesse de me brandir devant le nez l’épouvantail de la démocratie d’opinion parce que je reviens tout simplement aux sources de la démocratie, dont le premier principe est, que je sache, qu’on gouverne avec le peuple et pas contre lui.

Faut-il que notre culture démocratique soit tombée bien bas pour que ce geste tout simple, ce geste et ce temps d’humilité républicaine, élémentaire, ce geste qui dit que nous sommes justes, nous, les femmes et les hommes aspirant à gouverner la France, les serviteurs du peuple, faut-il que la démocratie ait perdu le sens de ce qu’elle est, et que l’arrogance du pouvoir ne connaisse plus de limites pour que ce geste surprenne à ce point ?

Je vais vous dire, chers amis, ce Pacte présidentiel, il est le fruit de la parole des Français, mais il est aussi le fruit de toute une équipe, et le fruit d’une série d’arbitrages et de choix. Jamais, vous m’entendez, jamais non plus je n’oublierai tout ce qui m’a été dit. Odile, cette mère célibataire, admirable de courage et de dignité, qui attend un logement depuis quatre ans et qui m’a raconté sa honte de vivre avec ses deux filles dans une chambre de 12 mètres carrés. Je n’oublierai jamais ces petits retraités qui sont venus tout discrètement dire que depuis quelques années, ils ne faisaient plus qu’un repas par jour. Je n’oublierai jamais cette dignité des pères des familles bafouées parce qu’ils sont au RMI et qu’ils font semblant de se lever le matin pour que leurs enfants aient le sentiment qu’ils ont un vrai travail. Jamais je n’oublierai ces cris de détresse silencieuse, ces vies brisées, ces familles humiliées, ravagées par l’injustice, ces destins marqués au sceau d’une malédiction qui ne dit pas son nom, les inégalités et les précarités. C’est cela qui me donne, qui nous donne aujourd’hui le désir de nous battre, de vaincre et de proposer cette politique d’alternance, le vrai changement, celui qui sera capable de répondre à leur attente et à leurs espérances.

C’est à cause et grâce à cette écoute et à ce travail que ce Pacte présidentiel est solide. Et je suis fière, je vous le répète, et c’est pourquoi je me sens solide et sereine, parce que je l’ai construit, ce pacte, ce sont les fondations de la maison France. Je suis fière d’avoir renoué le temps de son élaboration avec cette tradition française qui est celle des cahiers de doléances et que j’ai appelés les cahiers de l’espérance.

Et d’ailleurs, je vais vous dire : je crois qu’aujourd’hui, on ne peut tout simplement pas faire autrement. Je crois qu’on ne peut pas prétendre présider aux destinées d’un pays comme la France si l’on ne commence pas par entendre ce que les Français ont à dire. Parmi tous les candidats, je suis la seule à avoir accompli cette démarche, car je crois tout simplement que l’on ne peut plus diriger un pays moderne sans écouter tous ses citoyens et leur intelligence collective, sinon c’est la crise sociale assurée, sinon c’est les beaux projets de réformes sortis des cartons des technocrates qui y retourneront aussi vite parce qu’ils seront inapplicables.

Je dis aux Français aujourd’hui que le temps de l’imagination et de l’audace est revenu, et souvent, ils en ont davantage que les responsables politiques, et c’est pour ça qu’il faut être à l’écoute. Et je vous le dis, l’attente de changement, elle est profonde, et donc, je suis la candidate qui incarne ce changement profond, et je suis la seule à avoir fait cette démarche d’écoute. C’est pourquoi, avec vous, je sens que cette force collective, que cette force populaire est en marche. C’est avec la vérité des paroles qui ont été évoquées que je porte aujourd’hui la vérité d’une France neuve et qui veut se relever.

Je suis allée à la rencontre de tous et de toutes. Et tous les élus ici présents, et je les en remercie, ont fait cette démarche. Et vous, militants, sympathisants, citoyens, qui êtes venus et qui allez continuer, je l’ai dit et je vous le demande, à prendre la parole sur ce Pacte présidentiel pour nous dire dès maintenant comment nous allons faire pour l’appliquer parce que les engagements que je prends devant vous, ils seront tenus puisqu’ils ont été construits avec vous.

Et ce sont à la fois les plus vulnérables comme les plus forts qui ont parlé, ceux qui vont bien comme ceux qui décrochent ou qui ont peur de décrocher, ceux qui sont nos partisans depuis toujours et ceux qui ne le sont pas. Et c’est pourquoi j’ai confiance, c’est pourquoi je sais que ça marchera, c’est pourquoi ce Pacte présidentiel, ce programme, il est un pacte d’honneur et de confiance.

Alors, j’ai entendu les objections, on m’a dit : « Mais ce n’est pas un programme, ce n’est pas un pacte, c’est un catalogue. »

Alors, laissez-moi vous dire, le reproche du catalogue, c’est déjà le reproche que l’on faisait à François Mitterrand en 1981 lorsqu’il allait à la bataille avec vous avec ses 110 propositions ; c’est aussi ce qu’on disait à Léon Blum quand il proposait les congés payés, la semaine de 40 heures, les assurances sociales, la lutte contre la misère, les grands travaux pour relancer l’emploi et même la résistance au fascisme qui montait. Même chose, il a gagné, c’est une autre belle et grande page de notre histoire et c’est dans cette tradition que je m’inscris.

Non, ce n’est pas un catalogue car, lorsqu’on propose un projet et une vision de la France qui prend à bras-le corps la crise des banlieues, la crise économique, la crise sociale, la crise éducative, la crise morale qui rongent notre société, la crise écologique, ce n’est pas un catalogue, c’est un projet, c’est une vision pour remettre la France debout.

Quand on propose une vision qui, sur la crise des banlieues par exemple, est le seul projet à proposer à la fois la plus grande fermeté et l’écoute du malaise social à laquelle conduit ou que révèle cette délinquance, quand on avance un programme qui dit à la fois : oui, il faut sévir, il faut à la première incartade répondre par une sanction ferme, rapide et proportionnée, créer des polices de quartiers, renforcer la justice des mineurs, mais, attention, sévir ne suffit pas, on ne va pas envoyer tous les matins des bataillons de police ou de gendarmerie pour régler les problèmes car les jeunes ont d’abord un potentiel, et c’est ce potentiel dont la France a besoin, les banlieues, c’est notre nouvelle frontière, c’est notre objectif, c’est la réalisation aussi d’une France qui doit se lever dans ses quartiers car on a besoin de ses talents, de ses énergies, de ce potentiel. Et c’est cette vision-là de la France que je défends. Ce n’est pas un catalogue, c’est un plan d’urgence, c’est un plan de salut public, c’est le seul plan qui peut permettre à la France d’éviter le délitement du lien social qui la menace et que nous sentons tous venir.

C’est l’urgence et c’est la préparation de l’avenir. Je ne veux pas de cette société toujours plus brutale où, comme je l’ai entendu lors d’un débat, une bonne partie des violences est engendrée par le mépris. Je ne veux pas entendre parler, je ne veux plus qu’on me parle de discrimination positive parce que, ce que la République doit construire, c’est tout simplement de l’égalité réelle.

Non, ce n’est pas un catalogue lorsque l’on propose tout simplement une France efficace et juste. Et quand je dis : le règne sans fin du profit est intolérable aux gens modestes, quand je dis : le spectacle de la spéculation foncière effrénée est insupportable à ceux qui vivent de leur travail et il est dramatique pour ceux qui n’arrivent pas à en vivre, et quand j’ajoute : on ne peut pas, face à cela, tolérer une France où 23 % des jeunes sont sans emplois, où l’âge du premier emploi n’en finit pas de reculer, où la précarité des contrats se généralisent où la moitié des salariés perçoivent moins de 1 400 € par mois, où quatre millions de salariés sont payés au salaire minimum, ou moins que cela, et parfois au bout de trente ans de travail, où il y a sept millions de pauvres qui vivent avec moins de 700 € par mois, où deux millions d’enfants sont condamnés à vivre dans la pauvreté. Oui, quand je dis que dans un pays comme la France on ne peut pas tolérer que deux millions de personnes aient recours à l’aide alimentaire. On ne peut pas tolérer 2 000 accidents graves du travail par jour, on ne peut pas accepter qu’à 35 ans un ouvrier ou un employé ait sept ans de moins d’espérance de vie qu’un cadre supérieur, que 40 % des salariés soient exposés à des produits chimiques sur leur lieu de travail, quand je dis : je ne veux pas d’une France où les femmes sont les premières victimes des bas salaires, des petites pensions et où l’écart des salaires avec les hommes à qualification égale est à 25 %. Je dis que, lorsqu’il y a tout cela dans la France, c’est que le pacte social est rompu. Et le pacte présidentiel, c’est d’abord cela, c’est répondre à ces colères et c’est déboucher sur des engagements précis qui permettront à la France de se relever.

Alors, le débat sur le chiffrage s’est ouvert. Eh bien, je passe sur le fait, allez, ne polémiquons pas, que cette polémique vient surtout d’un candidat qui a lui-même un très gros problème de chiffrage. Il a promis à tellement d’interlocuteurs, il a pris tellement d’engagements contradictoires avec tous ses clients potentiels que les calculettes de l’DUMP se sont affolées et que ses plus chauds partisans lui ont dit : « Halte là ! Halte à la démagogie, halte au clientélisme, halte au n’importe quoi. »

Je passe aussi sur le cas d’un autre candidat qui a également exigé le chiffrage. Lui, c’est plus simple, il n’a pas de problème de chiffrage vu qu’on ne sait toujours pas quel est son projet ; si ce n’est de se plaindre, qu’il ne passe pas suffisamment dans les médias.

Je passe encore, mais là c’est plus grave, sur l’état chiffré celui-là dans lequel ils nous laisseront la France. Je le dis et je le répète, une dette publique insoutenable. Les intérêts de cette dette qui sont générés représentent à eux seuls la deuxième dépense du budget de la Nation, le déficit des comptes sociaux, j’en ai parlé, notre commerce extérieur déficitaire de 30 milliards d’euros, c’est-à-dire l’équivalent d’un million d’emplois perdus. Voilà leur chiffrage. À nous d’exiger plutôt qu’ils réparent ce qu’ils ont détruit.

Alors, soyons sérieux, j’ai cité François Mitterrand et Léon Blum tout à l’heure, et d’autres, il y a d’autres noms que j’aurais pu évoquer, d’autres noms de ceux qui m’ont inculqué le sens du service public et que j’ai cheville au corps, au nom de quoi je suis ici aujourd’hui devant vous. L’un s’appelle Jacques Delors et l’autre Pierre Mendès France. Et ce qu’ils m’ont inculqué, l’un comme l’autre, c’est que la rigueur n’est pas le contraire du socialisme, mais que c’est sa condition de possibilité, sa prémisse, ce sans quoi rien ne se fait. Alors, ces mesures de mon Pacte présidentiel, laissez-moi vous dire en toute rigueur les choses : premièrement, elles sont chiffrées, bien sûr. Il y a une équipe de campagne qui travaille à mes côtés, une équipe solide, une équipe qui est maintenant soudée et mobilisée, une équipe issue de toutes les sensibilités bien sûr du Parti socialiste, mais bien au-delà de la gauche et du camp républicain dans son ensemble. Et il n’y a pas un article de ce pacte dont nous n’ayons évalué les coûts directs et indirects, ainsi que d’ailleurs, et c’est là l’originalité de ma démarche, les bénéfices pour la communauté et pour la collectivité.

Car ce que je veux vous dire, c’est que les actions que je propose ont toutes un double volet : ce sont des actions de solidarité, mais ce sont aussi à chaque fois des actions d’efficacité qui feront que, si je suis élue, j’aurai la possibilité de les mettre en œuvre, l’économie marchera mieux, la croissance repartira de l’avant et la France se relèvera. Ce sont des mesures, si vous préférez, bien sûr qui ont un coût budgétaire, mais surtout elles rapportent, c’est-à-dire qu’elles créent de la valeur ajoutée. Et vraiment pour les évaluer, pour faire une évaluation honnête et juste, il faut prendre en compte ces deux paramètres, ajouter ces deux composantes, ce qu’elles coûtent dans un premier temps, mais ce qu’elles permettent de faire pour que la France avance de l’autre.

Par exemple, quand je propose d’augmenter le salaire minimum et les bas salaires, ainsi que les petites retraites, c’est bien sûr une élémentaire mesure de justice, mais c’est aussi, vous le savez bien, une façon d’injecter du pouvoir d’achat dans une économie où la consommation est en berne. Alors, à dépense égale, qu’est-ce qu’il vaut mieux ? Baisser les impôts des plus riches, comme le propose le candidat de la droite, avec un effet nul sur la croissance, et même des effets secondaires sur la spéculation immobilière et sur la hausse des prix du foncier ? Ou bien faire, comme nous le proposons, augmenter les bas salaires afin d’augmenter le pouvoir d’achat du plus grand nombre ?

Ou dites-moi, pour la richesse collective, et pour la valeur ajoutée sociale, que faut-il faire ? Laisser se généraliser le travail précaire ? Baisser le niveau de protection sociale et, ce faisant, semer l’inquiétude, créer l’anxiété, générer une société où on n’a plus le moral ? Ou bien, comme je le propose, redonner courage, espoir aux salariés, leur rendre leur dignité et de surcroît les réintroduire dans le circuit de la France qui travaille ?

Oui, répondez-moi chiffrage pour chiffrage parce qu’on nous dira : « Mais les différents projets, c’est à peu près le même coût. », sauf que les dépenses ne sont pas les mêmes. Et qu’est-ce qui est le plus payant ? Harceler les jeunes en recherche d’emploi, les humilier et laisser se créer à la marge de nos villes des vastes territoires perdus pour la République et pour les entreprises ?

Ou bien créer, comme je le propose, un droit au premier emploi pour les jeunes, un nouveau droit permettant à chaque jeune, à sa majorité, de disposer d’un prêt gratuit de 10 000 € pour construire son premier projet de vie et tout simplement pour comprendre que la France a besoin de déployer sa créativité, ses énergies et ses talents ?

Alors j’ai entendu dire aussi : « Avec les socialistes c’est toujours pareil, les droits s’ajoutent aux droits. » Ce qui ne va pas dans la mauvaise direction, vous l’avouerez. « Les socialistes, c’est l’assistanat. » Alors, je veux le dire très clairement ici : je suis contre une société de l’assistanat, je suis pour une société de la dignité et de la responsabilité car c’est trop facile de dire, projet contre projet, les uns qui disent : « Débrouillez-vous et que le meilleur gagne. » Moi, ce que je veux pour la France, c’est un État fort qui met en place les conditions égalitaires pour que chacun, au contraire, puisse construire sa vie, assumer ses choix, choisir son destin, maîtriser, se maîtriser et accéder à un emploi, l’emploi pour tous, c’est cela la France que je veux, une génération qui arrive à transmettre à la suivante les valeurs auxquelles elle tient. Et c’est cela notre différence.

Alors, c’est vrai qu’on est là pour aider à gauche, et heureusement, c’est nécessitai qu’on est là pour créer de nouveaux droits et corriger ainsi ce système qui, livré à lui-même, ce système libéral, brutal et destructeur pour les plus faibles. Et nous en sommes fiers. Mais, dans le Pacte présidentiel que je propose, il n’y a pas que cela puisque, au contraire, chaque nouveau droit créé par la collectivité va de paire avec un nouveau devoir. Vous ne trouverez aucune prestation nouvelle qui n’ait en contrepartie une obligation nouvelle et impérieuse pour celui qui en bénéficie.

Mon Pacte présidentiel, c’est un choix du gagnant-gagnant fondé sur la valeur travail et sur la possibilité pour chacun de se réaliser dans l’effort qu’il fournit pour les autres. Et par exemple l’engagement que j’ai pris de créer pour les jeunes sans ressources, et qui vivent de plus en plus nombreux dans la précarité, une allocation d’autonomie et d’entrée dans la vie active. Cette allocation leur sera versée en contrepartie d’une obligation de formation, d’une recherche active d’emploi et, pour les étudiants, d’un service d’heures de soutien scolaire gratuit auprès d’élèves en difficulté.

Et ma proposition est de créer une sécurité sociale professionnelle garantissant une rémunération égale à 90 % du dernier salaire perçu. Là aussi, il y a une contrepartie et une avancée collective. C’est à la fois stabiliser les entreprises qui sont confrontées à la concurrence internationale et qui ont besoin, il faut le dire ici clairement, qui ont besoin d’agilité pour conquérir les marchés et pour s’y adapter. Mais cette fragilité-là ne doit pas se faire aux dépends de la précarisation du plus grand nombre et des salariés, c’est-à-dire toujours les mêmes. C’est le sens de la sécurité sociale professionnelle, c’est-à-dire des salariés bien sécurisés, qui auront en contrepartie l'obligation de formation ou de recherche active d'emploi, qui permettra aussi aux entreprises d’aller de l’avant sans écraser les salariés.

Autre exemple : la mise en place du plan massif de formation professionnelle permettra aussi à chaque salarié formé d’être mieux rémunéré. Et donc le salarié bien formé sera mieux payé, et l’entreprise qui paie mieux un salarié mieux formé aussi en est bénéficiaire puisque ce salarié sera plus productif, plus motivé, et donc l’entreprise sera plus compétitive.

Voilà la nouveauté ce pacte, et je le revendique en tant que candidate de la gauche. On a souvent dénié à la gauche la capacité de l’efficacité sur le plan économique, eh bien la voilà, la nouveauté. C’est la candidate qui est devant vous qui va réconcilier la France avec les entreprises. C’est la candidate qui est devant vous qui va permettre le déblocage de la machine économique. C'est la candidate qui est devant vous qui a compris, parce qu’elle est au contact des entreprises, des salariés et des citoyens, qui a compris qu’il fallait porter un autre regard, qu’il fallait voir différemment le développement économique et le développement durable, et que désormais, celui est appuyé, non pas sur un seul secteur, non pas simplement sur l’efficacité à court terme et le profit à court terme de l’entreprise, mais que cette efficacité économique et ce développement durable sont appuyés sur trois piliers à égalité de solidité, et que l'État doit aider à se développer et à se déployer : l’efficacité économique, bien sûr, mais aussi l’efficacité, la valeur ajoutée sociale, avec la formation professionnelle et la qualité du dialogue social, c’est la bataille de l’intelligence collective et de la meilleure organisation dans les entreprises, c’est la bataille de la matière grise. Le troisième pilier, c’est celui de l’excellence environnementale, avec tous les emplois qu’il faut créer dans ce secteur, des emplois non délocalisables, des laboratoires de recherche, une compétition mondiale à l’égard de laquelle la France doit rattraper son retard. Par conséquent, tout ce qui est investi et tout ce qui va coûter, bien sûr, dans un premier temps, mais qui permettra ensuite de développer des cercles vertueux, de remettre la France debout, de créer des valeurs ajoutées, comme l’ont fait d’autres pays, et il n’y a pas de raisons que la France ne réussisse pas à relever ce défi. Moi, je crois que la France réussira à relever ce défi si l’argent public est bien utilisé, s’il est investi là où il crée de la valeur ajoutée, s’il est investi là où il y a du potentiel de développement. C’est cela le défi que je vous propose, c’est en même temps créer cette efficacité-là, mais aussi raccrocher tous ceux aujourd’hui qui décrochent de l’emploi.

Bref, le Pacte présidentiel, c’est un plan d’ensemble, c’est un projet dans la durée, et ce projet a une cohérence qui tient justement à la défense de la valeur travail, car je le redis ici, si l’un de ces trois piliers vient à faiblir, l’économique, le social et l’environnemental, alors la défaillance d’un seul peut faire crouler le tout, c’est pourquoi je propose que l'État et les pouvoirs publics investissent massivement dans les secteurs que j’ai identifiés tout à l’heure. Car tout se tient. Cet engagement d’honneur et de confiance que j’ai pris avec chacun et chacune d’entre vous, il repose sur quelques idées fortes, des valeurs phares qui sont la clé de tout, et en particulier le droit à l’emploi, mais également le droit à l’éducation.

Je voudrais, ici, redire que l’éducation est au cœur de tout et en avant de tout, et que je redonnerai à l’école la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre.

Mais je veux approfondir ici cette question de l’emploi. Je veux, si je suis élue, engager une lutte sans merci contre le chômage des jeunes, je l’ai dit à l’instant, un des plus élevés d’Europe, l’une des sources du découragement, de la révolte contre l’absence de futur et, au bout du compte, de la délinquance, car c’est l’absence d’emploi qui crée la délinquance. Le chômage n’est pas une loi naturelle, il n’y a pas de raisons que ce fléau nous frappe, nous Français, comme par hasard, plus que la plupart de nos voisins. Il y a des raisons, et c’est pourquoi je veux être la présidente du travail pour tous. Je vais vous dire comment.

Oui, et les annonces récentes l’Alcatel-Lucent sont dans tous les esprits, et je veux à nouveau m’appuyer sur cet exemple, pour dire que la France industrielle décroche et que notre économie perd son rang et que ce n’est pas une fatalité. La France a cessé d’investir dans les facteurs qui sont déterminants pour la croissance, et ce n’est pas une fatalité. Les nouvelles technologies, les industries de pointe, la recherche, l’éducation, la formation, la qualification, la matière grise sont notre capital le plus précieux dans la compétition internationale. C’est pourquoi les investissements majeurs du Pacte présidentiel vont dans cette direction. Les crédits aujourd’hui affectés à la recherche publique n’atteignent que moins de 1 % de notre richesse nationale, alors que les pays du Nord, le Japon et les États-Unis consacrent à la recherche et au développement le double de crédits que nous, et surtout, ils considèrent que les dépenses publiques sont des leviers pour développer l’investissement privé. C’est pourquoi le Pacte présidentiel, ce n’est pas des dépenses, c’est un investissement pour l’avenir.

Ce qui est grave aussi, c’est que la France consacre à ses étudiants un montant inférieur de 25 % à la moyenne des pays les plus développés. Ce qui est grave, c’est que la population active français est moins qualifiée que celle de nos principaux concurrents, et que la proportion des jeunes sortant de notre système éducatif sans qualification ou sans diplôme est un des plus élevés d’Europe. Alors, quant le pacte présidentiel investit dans ce secteur, ce n’est pas une dépense, ce n’est pas un coût, c’est un investissement pour l’avenir, qui rapportera ensuite, quand cet effort sera fait.

On nous dit que pour s’en sortir, il faudrait que chacun puisse travailler plus. Mais les chômeurs voudraient bien travailler plus, ils veulent tout simplement travailler. Les travailleurs pauvres, ils voudraient bien travailler plus, tout simplement pour passer à temps complet. Les salariés en CDD, ils voudraient bien travailler plus, quand ils aspirent tout simplement à un CDI. Alors la dernière trouvaille, la solution miracle, ce serait de libéraliser les heures supplémentaires, autant qu’en décidera l’employeur, et sans aucune cotisation sociale, ce qui privera d’ailleurs les salariés concernés des droits la retraite correspondants. Je dis ici que ces solutions simplistes ne sont pas sérieuses. Beau progrès en vérité que ce qui aboutira à ce qu’une heure supplémentaire coûte moins cher qu’une heure normale et que l’embauche d’un salarié qui n’a pas de travail. Cela reviendra à décourager toute nouvelle embauche, et donc à accélérer le chômage quand l’autre partie de la population serait contrainte d’intensifier la cadence. C’est exactement le contraire que je propose ; je propose : travailler tous et travailler mieux. Voilà l’avenir de la France !

Et la stratégie que je propose, c’est de travailler plus, de travailler tous et de travailler mieux, mais travailler plus, non pas au sens où ceux qui ont déjà un emploi devraient travailler plus, ou même ceux, comme je l’ai entendu, qui arrivent à l’âge de la retraite devraient travailler jusqu’à 70 ans, c’est aussi une proposition qui a été faite, ce que je propose, c’est de mettre davantage de jeunes à l’entrée en activité, c’est un travail valorisé et récompensé, c’est faire en sorte que le taux d’emplois augmente. Nous sommes le pays qui a à la fois le taux de chômage le plus élevé chez les jeunes et le plus élevé chez les salariés de plus de 50 ans, vous imaginez l’immense gaspillage ? Il y a au milieu un nombre restreint d’actifs, qui doivent porter la responsabilité de toutes les cotisations pour faire en sorte que les jeunes puissent chercher activement un emploi, et pour ceux qui sont les salariés plus âgés qui sont chassés de leur entreprise puissent retrouver la dignité. C’est cela le pacte que je vous propose, c’est du gagnant/gagnant, c’est de relancer la créativité économique, c’est la voie de la modernité. La voie de la modernité aussi, c’est un pacte avec l’ensemble des partenaires sociaux, c’est un pacte avec une vraie volonté industrielle. Il faut que l'État et les entreprises définissent ensemble une politique industrielle, les secteurs d’avenir, les technologies où investir. L'État doit assurer les conditions de leur réalisation dans un cadre européen et ne doit pas s’en laver les mains, comme aujourd’hui dans l’aéronautique ou dans les télécommunications.

Il faudra aussi tout mettre en œuvre pour aider les petites et les moyennes entreprises innovantes à grandir, à trouver leur financement au travers des sociétés de participation, à gagner des parts de marché à l’exportation. Il faudra enfin miser sur le développement des services de qualité dans les filières professionnelles. Ma stratégie, ensuite, je l’ai dit, c’est d’investir massivement dans la formation des salariés, je n’y reviens pas, mais cette formation doit s’organiser tout au long du parcours professionnel, de la formation des jeunes aux carrières des seniors, de l’entrée sur le marché du travail à la sortie du marché du travail. Et pour réussir, parce que c’est ça aussi un État moderne et une France neuve, c’est un nouveau pacte social où chacun, État, collectivités locales, patronat, artisanat, salariés et leurs représentants doivent trouver leur place. Je le dis solennellement, nous ne sortirons pas de la crise dans laquelle nous nous trouvons sans un partenariat radicalement neuf entre l'État et les partenaires sociaux. Oui, je veux donner aux organisations syndicales l’occasion de peser sur la vie économique et de créer des compromis économiques et sociaux pour que la France avance. Je veux de nouvelles règles de représentativité et de validation des accords. Je veux redonner de la respiration et de l’espace à la négociation collective. C’est en m’appuyant sur une démocratie sociale moderne que je m’engage à gouverner. C’est ainsi, je le répète, que nous forgerons les compromis dont nous avons besoin pour avancer, sur la question des retraites, sur la question du temps de travail, sur la question des salaires. C’est grâce à elle que, dans les entreprises, toutes ces questions relatives au travail, à ses conditions, à ses organisations, à sa durée pourront être résolues à la fois dans l’intérêt des salariés, mais aussi dans l’intérêt des entreprises, celles qui avancent, celles qui innovent, les vraies créatrices de valeurs et de richesse, et non pas celles qui, par une espèce d’immoralité économique, sont soumises aux fluctuations du libéralisme financier intolérable et qui procèdent aux licenciements de confort, alors même qu’elles font des bénéfices. C’est une nouvelle fois le cas chez Alcatel. Je ferai la différence entre ces entreprises à la recherche effrénée du profit financier maximal et dont les décisions sont prises à l’extérieur de nos frontières dans je ne sais quel intérêt de je ne sais quels fonds de pension et de je ne sais quelle rémunération d’actionnaires, nous remettrons de l’ordre économique juste dans tout cela, et les crédits publics iront prioritairement aux entreprises qui se battent tous les jours pour créer des emplois.

Oui, ma stratégie sera de redéployer les moyens de la puissance publique pour servir cette politique du travail pour tous.

Aujourd’hui, l'État et les collectivités locales dépensent plus de 65 milliards d’euros en aides diverses aux entreprises, avec des effets d’aubaine invraisemblables, sans réelle évaluation de leur efficacité. Je veux reconsidérer cette façon de faire et consacrer prioritairement ces crédits publics à l’investissement dans les secteurs d’avenir, dans les infrastructures nécessaires et dans les efforts faits pour l’exportation.

On me parle chiffrage, on me somme d’indiquer comment je ferai face aux dépenses d’avenir, et c’est légitime. Je vous le dis pour y répondre, je m’engagerai sur une profonde réforme de l'État et des finances publiques, pour faire en sorte qu’un euro dépensé soit un euro utile, pour que toutes les dépenses de l'État soient productives et qu’on mette fin à toutes les formes de gaspillage, pour les orienter massivement vers les ressorts de la croissance et vers la protection des personnes. Voilà la France du travailler mieux et du travail pour tous, qui conjugue réussite et efficacité, droits et devoirs, progrès et modernité. C’est une France qui permet à la réussite de chacun de contribuer à la réussite de tous, c’est une France, bien sûr, qui travaille plus mais qui travaille plus en donnant du travail au plus grand nombre, c’est une France d’harmonie.

Et à ceux qui tentent d’opposer les uns aux autres, les salariés opposés aux chômeurs, les retraités du régime général contre les retraités des régimes spéciaux, les fonctionnaires opposés aux salariés du privé, ces fonctionnaires qu’on humilie de façon indigne lorsqu’on leur dit qu’un départ sur deux à la retraite ne sera pas remplacé, c’est une façon de leur dire : mais un agent public sur deux ne sert à rien ! Cette façon de faire, démagogique, est insupportable. Là se trouve le populisme. Moi je vous le dis, le service public, on en a besoin ! Bien sûr, il doit se réformer ; bien sûr il doit avancer.

& Et je le répète, je veux articuler la solidarité et l’efficacité, c’est-à-dire, et je le redis parce que c’est important, tout le contraire de l’assistance. La droite la dénonce, mais finalement elle l’organise chaque jour en renforçant les exclusions et les précarités. Moi, j’affirme que chacun a droit, lorsqu’il trébuche, de trouver les sécurités qui lui permettront de s’en sortir et on lui demandera les efforts en contrepartie de cette solidarité nationale. Le jeune, l’élève qui a peine à suivre l’école doit bien sûr faire l’effort indispensable pour renouer à la réussite scolaire, mais il a droit aussi à un soutien scolaire gratuit et à l’aide aux devoirs si sa famille ne peut pas lui donner.

Bien sûr, les patrons d’entreprises, les commerçants et les artisans prennent leurs responsabilités, le métier d’entrepreneur est un métier à risque au sens le plus noble du terme, mais ils ont droit de recevoir plus d’aides sous les formes d’allègements de cotisations, d’aides à l’innovation dont les grandes entreprises, qui ne sont pas menacées, ne devraient pas avoir droit. Les petites entreprises et les moyennes entreprises doivent avoir accès au crédit et elles auront une part réservée dans les marchés publics et je demanderai au système bancaire de faire son devoir. Car, combien d’entreprises connaissons-nous qui sont obligées de se tourner vers les collectivités territoriales pour avoir des prêts ? Comme si c’était notre métier, collectivités territoriale ! Comme si c’était le rôle de l’impôt payé par tous les Français que de faire des prêts aux entreprises.

La France est un des pays où le système bancaire est un des systèmes qui exercent le moins leur responsabilité de prise de risque à l’égard des entreprises. Et l’ordre économique juste, c’est un ordre où chacun remplit sa tâche, où chacun accomplit son devoir, où chacun fait le métier pour lequel il est rémunéré. Voilà la société que je veux construire avec vous.

Il n’est pas de droit nouveau que je ne veuille accompagner d’un devoir nouveau, je le dis ici et je le répète.

Enfin, la question des solidarités, c’est aussi la question des familles, et c’est par-là que tout commence car, si les familles fonctionnent bien, assument leur devoir d’affection, d’éducation et de surveillance, alors les enfants démarrent sous de bons auspices et dans de bonnes conditions.

Et là aussi les investissements et les efforts financiers du Pacte présidentiel pour le logement constituent une action pour avoir, et c’est la base, une vie de famille sécurisée. Et là aussi l’investissement dans le logement, c’est un investissement dans l’avenir parce que cela permet aux familles d’éduquer et d’élever correctement leurs enfants. Et c’est pourquoi les inégalités criantes dans ce domaine doivent impérativement se réduire. C’est le sens de l’ensemble des mesures concrètes que je propose sur le logement, la création d’un service public de la caution qui permet d’assurer les impayés de loyers et de rentrer dans un logement sans avoir à débourser trois mois de loyer. L’incitation, par une sur-taxation dissuasive, des réquisitions de logements vacants spéculatifs inoccupés par les collectivités territoriales, la mise en place par les Régions d’un programme de logements pour les étudiants et pour les jeunes. Et enfin la construction des 120 000 logement sociaux dont la France a besoin et qui, faute d’obéissance à la loi de solidarité urbaine par certaines communes, ne sont pas tout simplement construits. L'État assumera ses responsabilités et se substituera aux communes défaillantes qui s’enferment dans leur égoïsme territorial.

Et puis je veux vous parler de la France dans le monde car la place de la France sera assumée. La France, ce sont des valeurs exigeantes et neuves, proclamées par la Révolution française et qui ont permis à notre pays d’écrire une des plus belles pages de son histoire. La France, ce sont des valeurs universelles que nous devons continuer à porter haut si nous ne voulons pas décevoir ceux qui ont foi en nous et qui attendent quelque chose de nous.

Nous n’avons pas le droit de rester des spectateurs muets, apeurés, bientôt victimes du monde comme il va. Nous n’avons pas le droit de nous éloigner de la scène, de renoncer, de laisser faire la mondialisation dans ses effets les plus pervers. Je ne veux pas me résigner à ce que la France sorte de l’histoire.

Ou considérons-nous que nous avons encore quelque chose à dire encore au monde et quelque chose à lui apporter, je le crois, et les Français aussi le croient avec moi. Je sais que les Français le veulent. On les dit parfois égoïstes, repliés sur eux-mêmes, sur leurs petits soucis. Quelle erreur ! Quelle méconnaissance de leur curieux génie ! Notre peuple est un peuple généreux, c’est le peuple qui a inventé Médecins sans frontières et les Médecins du monde, c’est l’un des peules où le mouvement associatif est en Europe le plus vivant, c’est un peuple qui, n’en déplaise à ceux dont l’horizon se borgne aux grandes lignes de la mondialisation financière, rêve de voir son pays reprendre un rôle actif sur la scène du monde.

Alors les fins de la politique de la France, si je suis élue, seront fidèles à ce vœu, elles seront simples, exigeantes, fidèles à notre vocation la plus haute : la paix, bien sûr, la sécurité pour tous les États, sans doute, mais aussi le développement pour tous, la justice pour les peuples et le refus des dictatures.

La paix, elle est possible, fondée sur l’équilibre d’un monde multipolaire, c’est pourquoi tous les efforts visant à faire redémarrer l'Europe et en faire une puissance également politique seront poursuivis avec une ardeur particulière. C’est pourquoi tout sera fait pour remédier au déséquilibre des puissances qui est la règle aujourd’hui dans nos rapports avec nos partenaires et alliés. C’est pourquoi, si je suis élue, la France pèsera de tout son poids pour que soit respecté le droit international. La sécurité implique que nous continuions à déployer nos forces au service du droit partout où il est bafoué et elle implique que, du Proche au Moyen Orient par exemple, nous pesions de tous notre poids en faveur de ces deux aspirations indissociables, également impérieuses : la justice pour les Palestiniennes, la justice et la sécurité pour Israël et pour ses citoyens.

L’objectif n’est pas inaccessible, je veux que la France soit le pays qui fera que l'Europe décidera enfin de peser fortement en faveur de cette paix, la France au sein de l'Europe a l’autorité nécessaire pour rappeler les principes et aider à l’avènement de cette paix durable et garantie.

La justice pour les peuples, aussi, le développement, cela implique que la France, qui fut l’une des premières à plaider pour l’aide publique aux pays défavorisés, accepte de donner l’exemple et indique le chemin à tous ceux qui s’accommodent à bon compte des promesses non tenues et des inégalités criantes. Et nous ne nous sauverons pas tout seuls, notre avenir dépend de notre capacité à réduire les inégalités entre les pays pauvres et les pays riches. Et nous en avons le moyen. Nous devrons réformer en profondeur l’aide au développement et en particulier à destination de l’Afrique. L’Afrique est accablée de tant de maux et de tensions. Et, je le dis ici, la seule solution pour mettre fin aux migrations de la misère se trouve dans le co-développement, dans la réforme des flux financiers, dans les micro-crédits, dans l’aide directe, dans les circuits courts, dans la défense de la dignité de ceux qui veulent rester dignement dans leur pays, y vivre, et donner à leurs enfants de quoi se nourrir, se soigner et s’éduquer.

Et puis je voudrais vous dire aussi, parce que j’y suis allée, vous dire que la Chine n’est plus un simple géant économique, ce sera bientôt un géant politique et je veux que la France soit la première à prendre en compte cette montée en puissance politique et en tirer toutes les conséquences.

Mais je le dis ici, je veux que la France soit à la pointe de la vigilance sur le non-respect des droits humains car la démocratie est un bien commun. La démocratie, ce ne sont pas des valeurs réservées aux uns et interdites aux autres, et c’est là que j’aurai à cœur, si je suis élue, de rappeler à nos partenaires chinois.

Et puis les États-Unis, partout nous agirons, ne seront pas loin. Ils seront là, puissants, amicaux et généreux comme l’histoire récente l’a montré, mais hélas souvent emportés par leur puissance à commettre de terribles erreurs. Et la taille n’ayant rien à faire avec les principes, et le déséquilibre des puissances n’ayant jamais été nulle part une raison de se taire, nous ferons entendre notre différence. La France l’a fait à propos de l’Irak, elle n’a hélas pas été entendue, mais elle l’a fait et sa voix a sonné juste. Je voudrais à l’avenir qu’elle continue de sonner juste. Je veux qu’en parlant plus haut et plus vrai notre voix porte plus loin.

Voilà, je veux être la présidente de cette République-là !

Oui, je veux être la présidente d’une République où l’on saura se montrer intraitable partout où seront bafouées les valeurs liées à notre tradition d’humanisme et de lumière. Le Pacte présidentiel que je vous propose est exigeant. Je ne tomberai jamais dans la facilité de la promesse électorale qui n’engage que le temps de la formuler. Relever la France suppose que nous nous y mettions tous, mais aussi que l’effort soit justement réparti. J’ai besoin de vous pour porter ce pacte. Il est le vôtre. Oui, j’ai besoin de vous, ce pacte est le vôtre, il m’oblige, pourquoi est-ce que je parle de pacte et non pas de projet et de programme ? Parce que c’est un engagement réciproque, un engagement que je prends à l’égard du peuple français et un engagement que le peuple français prend parce qu’il a pris la parole et qu’il veut se reconnaître dans la France que je veux construire avec vous tous et qu’il sait bien, parce que nous l’avons entendu, la France qu’il ne veut pas, il ne veut pas de la France des brutalités, des ruptures, des fractures, des faux-semblants, des fausses promesses, des injustices, des avantages toujours donnés à ceux qui en ont le plus, et du mépris toujours donné à ceux qui sont au bord du chemin. Cette France-là, nous n’en voulons pas et c’est tout le sens du Pacte présidentiel .

Le voulez-vous ce pacte ? Voulez-vous le porter ? Est-il le vôtre ? Alors tournez-vous vers les Français, redonnez-leur la parole, je vous le demande, vous qui êtes aujourd’hui si nombreux à Rennes et dans une autre salle me dit-on, devant un écran vous êtes plus de 4 000 parce que vous n’avez pas pu tous entrer dans cette salle.

Je vais vous faire une confidence : on m'interroge sur mon équipe de campagne. Je vais vous dire un secret : mon équipe de campagne, c’est vous. Me voulez-vous ? J’ai besoin de vous. Vous êtes mes porte-parole, je vois votre affection, votre énergie, votre engagement,

J’ai compris aussi vos doutes, vos inquiétudes, à chaque fois on me dit : « Mais demain, elle joue à quitte ou double. » Eh bien, à chaque fois je double et c’est avec vous que je vais doubler.

A chaque étape on me dit de faire mes preuves, à chaque mot prononcé on me dit : « Mais qu’est-ce qu’elle raconte ! » Mais j’en ai autant qu’eux de l’expérience et des exigences. Et je suis plus forte qu’eux parce que c’est avec vous que j’avance.

Oui, mon équipe de campagne, c’est vous, déployez-vous, partez convaincre, soyez fiers de cette espérance. N’ayez peur de rien !

Vous êtes là, non pas pour gagner, non pas un camp contre un autre, vous êtes là pour me porter parce que je porte vos idées, parce que je porte une France neuve, une France qui a envie de se relever, une France qui a envie de se rassembler et de s’aimer en elle. Alors, je suis là pour être avec vous si vous le décidez, celle qui vous conduira vers le changement, la voulez-vous cette France neuve ? La voulez-vous cette France juste ? Le voulez-vous ce désir d’avenir ? La voulez-vous cette France forte ? La voulez-vous cette République du respect ? Le voulez-vous ce progrès pour tous ? Le voulez-vous ce travail pour chacun, ce pouvoir d’achat défendu, ces inégalités qui reculent, ces enfants qui réussissent à l’école, cette excellence environnementale, les familles sécurisées ? Oui, cette France neuve qui se relève grâce à votre voix, je la veux avec vous. Cette victoire, nous la voulons et nous devons la mériter. Nous devons y travailler.

Vive la République !

Vive la France que nous allons relever !

lundi 19 février 2007

Discours de Ségolène ROYAL sur l'éducation - Dunkerque le 15/02/07


Chers amis, quelle salle merveilleuse ! Que vous voilà nombreux ! Je sens comme un souffle. Oui c’est le peuple qui fera le résultat de cette élection présidentielle, et le peuple, je le vois ici en mouvement, comme partout dans la France, et je vous invite à vous rassembler, à vous saisir du pacte présidentiel, à le porter autour de vous pour que la France se relève, pour que la France change fort et pour que nous puissions la reconstruire ensemble !

Merci à Gilles...

Il y a des citoyens debout, donc je ne voudrais pas que la soirée soit trop longue, gardez votre énergie.

Merci à Gilles et à Michel de leur accueil, et à tous les élus ici, du Nord et du Pas-de-Calais. Leur présence rassemblée me fait chaud au cœur. Merci à vous tous et à vous toutes d’être venus de partout, ici pour remplir cette salle, vous êtes plus de 10 000, et je suis heureuse de m’adresser devant vous. Comme à Villepinte, où je me suis adressée aux Français, et encore ce soir à travers vous, c’est aux Français et aux Françaises que je veux m’adresser.

Pourquoi un pacte ? On le sait, chacun connaît la crise de la politique, la remise en cause de la parole politique, de la représentation politique, et donc j’ai voulu, et avec vous, d’abord écouter, élaborer ce pacte, à partir de la parole des Français, de leurs attentes, de leurs difficultés de vie, de leurs souffrances, mais surtout, ce pacte, il m’engage, il m’engage sur ces propositions, c’est un pacte réciproque puisque c’est vous aussi qui l’avez construit avec moi.

Ce que je propose, je le ferai pour redresser notre pays, pour redonner espoir aux Français, pour tracer un chemin, pour ouvrir une espérance. Je veux être, oui, je veux être la présidente de la confiance retrouvée.

Avec vous et avec ce pacte, qui maintenant est entre vos mains, ou le sera dans les jours qui viennent. Avec vous, porteurs de ces propositions, nous allons aller à la rencontre de nos concitoyens pour dire aux Français qu’il n’y a pas de fatalité à la baisse du pouvoir d’achat et au chômage, notamment des jeunes. Oui, je veux être aussi la présidente du travail pour tous.

Je veux construire un ordre social et économique juste, pour répondre aux injustices et aux précarités de toutes sortes que nous laisse la droite. Le règne sans fin du profit financier est intolérable pour l’intérêt général, et on le voit encore récemment, aujourd’hui, avec les profits scandaleux du groupe Total, qui n’a même pas l’obligation morale d’indemniser les communes souillées par la crise de l’Erika. Il est insupportable ce règne à ceux qui vivent de leur travail, et il est dramatique pour ceux qui n’arrivent pas à en vivre. C’est ce cri de colère que l’on entend monter de la France qui travaille et de celle qui aimerait travailler, contre les délocalisations qui dévorent l’emploi, colère contre le fait que 23 % des jeunes sont sans emploi, que l’âge du premier emploi n’en finit pas de reculer et que la précarité des contrats se généralise. Colère quand priorité est donnée à la rente et au capital financier, et que cela conduit à l’augmentation sans fin des loyers et du prix du foncier. Colère quand la moitié des salariés du privé touche moins de 1 400 € par mois, que 4 millions de salariés sont payés au SMIC au bout de vingt à trente ans de travail. Colère quand on sait qu’il y a 7 millions de pauvres en France, dans la cinquième puissance économique du monde, et qui vivent avec moins de 700 € par mois, que 2 millions d’enfants sont condamnés à vivre dans la pauvreté. Il y a là une fourme moderne de malédiction du destin que nous n’acceptons pas.

Oui, les Français sont en colère face à cela. Et moi, je dis que ce n’est pas juste. Et si vous êtes là, c’est parce que vous aussi, vous pensez que ce n’est pas juste, et que le pacte social qui est rompu est dangereux. Nous devons refuser cette situation. Nous devons stopper le descendeur social. Quand dans un pays comme la France, 2 millions de personnes ont recours à l’aide alimentaire, quand on sait qu’il y a chaque jour 2 000 accidents graves du travail, quand on sait qu’à 35 ans, un ouvrier a sept ans de moins d’espérance de vie qu’un cadre supérieur, quand on sait que 27 % des salariés travaillent debout en permanence, que 37 % sont exposés à l’inhalation de produits chimiques sur le lieu de travail, quand on sait que les victimes de l’amiante ne sont toujours pas indemnisées, ou que 1,5 millions de personnes se trouvent en situation de surendettement, et nous réglementerons les tarifications bancaires, quand on sait enfin que les femmes sont les premières victimes des bas salaires, de la précarité, que l’écart de salaire est encore de 25 %, à égalité, eh bien, on est bien obligé de se dire et de crier que tout cela est comme une cicatrice sur le corps d’un pays qui a pourtant inventé la plus belle devise du monde : « liberté, égalité, fraternité. »

Alors, vous m’avez dit des choses simples et vraies, vous m’avez dit vouloir des écarts de revenus moins injustes, une réforme de la fiscalité qui taxe davantage le capital que le travail, et nous le ferons. Vous m’avez dit vouloir que le travail soit payé à son juste prix, et je le ferai. Vous m’avez dit, enfin, vouloir que des solutions à la crise du logement soient trouvées au-delà des éternels discours, et je m’y engage. Est-il normal, m’avez-vous dit, que des jeunes travailleurs habitent en caravane et que des petits retraités soient chassés de leur logement faute de pouvoir payer leur loyer ?

Je vous ai entendus, et je n’aurai de cesse, si je suis élue, que de répondre à votre juste colère. Oui, je propose un pacte présidentiel pour le pouvoir d’achat garanti et pour la sécurité du logement tout au long de la vie. Oui, je propose une réforme de l’indice des prix, et nous utiliserons des indices de prix différents, tenant compte de la réalité des dépenses des gens, pour revaloriser les petites retraites, pour revaloriser le SMIC et les bas salaires, et pour revaloriser les minima sociaux. Oui je m’engage à ce que ces augmentations se fassent rapidement, en accompagnement des plans massifs de formation professionnelle qui déboucheront dans les entreprises sur un système gagnant/gagnant : un salarié mieux payé parce que mieux qualifié, et donc une entreprise plus performante. Et vous verrez que c’est nous, la gauche, qui réussirons la réconciliation entre le pays et ses entreprises, et le retour à l’efficacité économique, et le déblocage de la machine économique.

Je m’engage pour les jeunes sans ressources et qui vivent de plus en plus nombreux dans la précarité, à créer une allocation d’autonomie et d’entrée dans la vie active, laquelle allocation leur sera versée en contrepartie d’une obligation de formation sérieuse, d’une recherche active d’emploi, et pour les étudiants, d’heures de soutien scolaire auprès des élèves en difficulté.

Oui, je mettrai un plan de rattrapage pour les petites retraites, avec une hausse immédiate de 5 % intervenant dès 2007. Les retraites seront versées désormais mensuellement et non plus trimestriellement, pour éviter les découverts. Le minimum vieillesse sera versé mensuellement, et les retraites de la Sécurité sociale seront payées au 1er de chaque mois, pour éviter les découverts.

J’insiste sur la question du logement, cela a été évoqué. Je l’ai dit souvent, vous le savez, tout commence par les familles, car si les familles fonctionnent bien et assument leur devoir d’affection, d’éducation et de surveillance, alors les enfants démarrent dans la vie dans de bonnes conditions. Et le logement et la condition première d’une vie de famille sécurisée, et les inégalités criantes dans ces domaines doivent se réduire si l’on veut aider les familles à être ce lieu d’éducation et d’épanouissement qu’elles doivent être.

Vous le savez, je le dis souvent, parce que c’est vrai, tout se tient : le travail, la famille, le logement, et enfin l’éducation. J’ai choisi ce soir, à Dunkerque, de vous parler d’éducation. Car après avoir présenté le 11 février dernier le pacte présidentiel, je vais maintenant à travers la France pour approfondir les thèmes : aujourd’hui à Dunkerque sur l’éducation, demain à Strasbourg sur la recherche, la semaine prochaine à Rennes sur le travail et sur l’emploi.

Alors je l’ai dit et je le redis ici à Dunkerque, l’éducation, encore l’éducation, toujours l’éducation, au cœur de tout et en avant de tout ! Ce sera le cœur de notre pacte présidentiel.

Je le redis devant Jack Lang, en effet, qui observe avec nous tous, jour après jour, le démantèlement des moyens. L’école, en France, c’est l’âme du pays. L’école, en France, c’est ce qui a donné à la Nation le sentiment de son unité. L’école, en France, c’est ce qui a enraciné la République dans les consciences et dans les mœurs. L’école, c’est la grande institution qui a montré à tous les enfants de France, et donc à tous les futurs citoyens, que le travail et le mérite pouvaient être récompensés et qu’ils pouvaient peser plus lourd que le seul privilège de la naissance. L’école, en France, ce n’est pas seulement l’école, c’est le creuset, la matrice, le principe de tout le reste. Alors que ceux qui vilipendent la faillite de notre système, et qui d’ailleurs en sont parfois à l’origine, de ce démantèlement, en sont même toujours, qu’ils aient bien cette vérité en mémoire, qu’ils sachent, ceux qui prétendent que le niveau baisse, qu’ils n’oublient jamais qu’il y a eu là une grande révolution silencieuse, qui n’est certes pas achevée, et qui ne le sera peut-être jamais tout à fait, mais qui a changé le visage de notre pays et que l’on doit aux générations d’enseignants.

Les 3 % de bacheliers dans les années 30 sont aujourd’hui vingt fois plus nombreux. Rien que dans les vingt dernières années, le nombre de nos étudiants a doublé. Nous sommes un pays où, grâce à l’école, grâce à la compétence, au dévouement au niveau de ses enseignants, les quatre cinquièmes des enfants arrivent dans la vie adulte avec une qualification ou un diplôme. Peu d’institutions ont été au bout du compte aussi fidèles à leurs missions. Peu d’institutions se sont, contrairement à l’idée reçue, autant transformées, réformées, adaptées pour tenir compte des contraintes nouvelles, de la mutation des jeunes et continuer à remplir leur mission.

Oui, je vous le dis, la France demeure l’une des premières nations au monde, si elle conserve son éclat, son rayonnement et son dynamisme, elle le doit en grande partie à son école et à ceux qui enseignent.

Oui, c’est la première chose que je voulais vous dire. La culpabilisation, ça suffit ! Nous pouvons être fiers de notre école. Nous devons être fiers de tous ceux qui y travaillent et qui s’y dévouent sans relâche.

C’est vrai aussi que, depuis quelques années, l’école de la République connaît une crise. C’est vrai que, depuis quelques années, l’école de la République s’est démoralisée. Que s’est-il passé ? Les politiques de droite n’ont rien arrangé. La droite, en cinq ans, a détruit 125 000 emplois de professeurs, d’aides éducateurs, de médecins scolaires et de surveillants. Maintenant que les élections arrivent, elle leur promet bien sûr tout le contraire. Elle leur promet les salaires, la progression de carrières, les retraites revalorisées et le reste. C’est la foire aux promesses, c’est le tourbillon de la démagogie, et c’est surtout très dangereux, cet écart entre le discours et les actes, de la part de ceux qui ont déstabilisé, affaibli, amoindri l’éducation, démoralisé l’éducation, en lui retirant pendant cinq ans, année après année, tous ses moyens.

Quel mépris que de prétendre que si la droite revient au pouvoir, elle ne remplacera plus un fonctionnaire sur deux, et donc un professeur sur deux ! Peut-on accepter la disparition programmée de 300 autres postes d’enseignants ? Parce que c’est cela que ça veut dire. Peut-on accepter ce qui est dans le programme du candidat sortant de l’UMP, la suppression des ZEP ? Est-ce que c’est sérieux ? Est-ce que c’est dangereux ? Oui, c’est dangereux de mettre les écoles en concurrence et d’instituer la sélection par l’argent à l’entrée des universités. Comment le candidat de l’UMP sortant peut-il être crédible en promettant des moyens nouveaux, alors que c’est tout le contraire qui vient d’être fait ?

S’il est une fierté d’être socialiste et d’être à gauche, c’est la première place que nous avons toujours, toujours accordée à la question éducative, et cette première place, l’éducation la retrouvera. Nous avons été de tous les combats en faveur de l’école publique et laïque. Nous n’avons jamais douté que l’accès à la citoyenneté et l’accès de chaque futur citoyen à la liberté de penser et à la liberté tout court passaient par le renforcement de l’école. Et de cela, je crois vraiment que nous pouvons, que nous devons être fiers.

Je suis fière qu’avec François Mitterrand, nous ayons donné à l'Éducation nationale le premier budget de la Nation, et qu’avec tous les ministres socialistes qui ont, au cours de ces années, doublé le nombre de bacheliers, revalorisé le métier des enseignants, lancé un plan pluriannuel de recrutement. Nous n’avons pas le monopole de l’école, bien évidemment, mais nous avons le mérite de la constance et nous avons la preuve des résultats et de la volonté politique. C’est forte de cette constance et de cette volonté politique que je veux vous parler aujourd’hui de l’école.

J’ai entendu, dans tous ces débats, la profonde demande de reconnaissance. Ah, la reconnaissance ! C’est le mot qui est le plus fréquemment revenu dans les débats en venant des équipes éducatives. D’abord, je ne veux plus entendre tous ces discours qui contestent la valeur et l’engagement de nos enseignants. Je ne veux plus entendre, comme aujourd’hui, qu’on a trop donné à l’école et que son budget ne vaut pas ses résultats, car sans cet investissement, sans le lien de chair et d’esprit de la République et de son école, où en serions-nous ? Combien aurions-nous de jeunes à la dérive ? Combien de familles seraient à l’abandon ? Quand je vous rencontre, vous les enseignants, ce qui me frappe, c’est le moral qui baisse, malgré votre foi dans votre mission et votre ardeur à la tâche. Ce qui me frappe, c’est face à l’immensité de votre rôle, et face aux difficultés que vous avez à le remplir dans un environnement urbain et familial qui n’est plus, hélas, celui des enfants sages et des hussards noirs de la République, c’est votre humilité et votre refus de l’esprit de système. Ce qui me frappe, c’est que vous avez conscience que les chocs culturels auxquels vous êtes confrontés ne trouvent plus leurs réponses dans les solutions toutes faites. Vous cherchez, parfois vous tâtonnez, mais vous trouvez. Et le devoir de la République c’est vous aider à inventer. Je veux une société qui reconnaisse l’expérimentation et qui vous laisse libres, plus libres de vos méthodes pédagogiques, sans inspection tatillonne.

Je veux, autour de l’école, pour vous y aider, une société de la connaissance, où le savoir vaut plus que l’apparence. Je veux autour de l’école une société d’intelligence, où l’esprit de service public domine l’intérêt mercantile. Je veux des écoles, des lycées, des collèges où l’on continuera longtemps encore de concilier l’égalité et le mérite, la solidarité et l’émulation, la citoyenneté et l’esprit critique, les classiques et le progrès technologique. Je veux autour de l’école une société qui promeut l’intelligence collective sans tarir les talents individuels, qui relève les défis du monde plutôt que d’en avoir peur. Je veux une politique de l’école qui ira de la Sorbonne aux Minguettes, et qui donnera la même chance à Frédéric et à Malika.

Je veux tout cela en sachant que vous le voulez aussi. Je veux que nous continuions ensemble cette lignée de la gauche qui va de Condorcet à Jean Jaurès, de Paul Bert à Jean Zay et Ferdinand Buisson, du plan Langevin Vallon au plan Université 2000. Je veux, avec vous, faire que l’éducation reste au centre de la République, une, laïque et indivisible.

Je voudrais dire à l’école et à ceux qui enseignent que c’est grâce à vous que je suis là devant vous.

C’est grâce à mon amour de l’école, où j’ai compris très tôt, dès le collège rural des Vosges, avec mes enseignants PEGC, je me souviens encore de leur visage, c’est là que j’ai compris, dans le travail scolaire, que j’allais trouver la chance de mon émancipation.

Moi qui viens d’une famille nombreuse traditionaliste, où les filles étaient destinées aux tâches domestiques où il était considéré que les études après le baccalauréat étaient inutiles à notre fonction naturelle féminine. Ce sont mes professeurs qui m’ont poussée, motivée, encouragée, poussée en avant, pour que, après le baccalauréat, je puisse engager des études supérieures, et je voudrais ici leur témoigner de ma reconnaissance.

Et l’école juste, c’est d’abord une école où il fait bon vivre. L’école juste, ce n’est pas seulement une école qui permettra à quelques enfants issus des quartiers populaires d’accéder aux grandes écoles, c’est utile, c’est important, mais cela ne suffira pas. C’est l’école qui donne la meilleure formation possible, non pas aux seuls boursiers de la République, mais à tous les élèves de France, c’est l’école qui diversifie les chemins qui mènent à la connaissance, et c’est l’école qui, en même temps, offre une culture commune car la valeur et la compétitivité d’un pays ne se mesurent pas seulement au nombre de ses prix Nobel. Elle a besoin de prix Nobel naturellement, l’excellence est toujours comme la preuve ultime de la très grande qualité d’un système, mais la vraie valeur d’un pays, elle se mesure d’abord à la qualité de la culture et de l’éducation prodiguée à tous ses citoyens.

C’est cette vision que je veux porter, c’est cette vision que je veux partager avec toute la communauté éducative et pour que la gauche au pouvoir continue l’école de la République, c’est-à-dire l’excellence pour le plus grand nombre.

Je voudrais m’adresser aux enseignants, comme je viens de le faire, mais je pense aussi aux personnels éducatifs non enseignants, aux chefs d’établissement, et dans le pacte de la réussite éducative que je vous propose, je voudrais dire à tous que l’État vous garantira les moyens de votre mission.

Si je suis élue Présidente de la République, j’ai un devoir imprescriptible envers vous, et ce devoir sera de garantir les moyens de votre mission car vous recevez aujourd’hui de plein fouet les effets de la crise sociale.

Vous êtes les premiers à devoir faire face aux légitimes inquiétudes des parents, aux souffrances des élèves et à leur découragement. Vous êtes aussi en première ligne des nouvelles formes d’agressivité et de violence, et l’école doit être partout un lieu de paix. Aucune atteinte à votre autorité ne doit être acceptée.

La puissance publique se tiendra en toutes circonstances à vos côtés, elle fera tout pour protéger l’école des coups qui lui sont déjà portés, que ces coups viennent du dehors ou parfois hélas du dedans. Vous serez épaulés chaque fois que vous en aurez besoin.

Notre école doit être l’école du respect, et ce respect sera d’abord le respect qui vous est dû, vous qui transmettez les savoirs, les lumières et l’esprit citoyen.

A chaque élève, il faut offrir sa chance, mais à chaque enseignant, il faut reconnaître son autorité, et à chaque parent, il faut donner sa place. Je veux une harmonie réciproque entre l’école et les parents.

Je m’engage à organiser les États généraux de la réussite scolaire dès le mois de mai 2007 car j’ai décidé de rétablir pour la rentrée 2007 les moyens qui ont été retirés à l’école. Et je veux, dans le cadre de ces États généraux, avec vous, enseignants, chefs d’établissement, personnels non enseignants, parents d’élèves, décider de la façon la plus efficace de répartir ces moyens pour améliorer les conditions de travail d’un côté et la réussite des élèves de l’autre.

Le pacte de la réussite éducative que je vous propose reposera également sur la stabilité dans la durée des moyens financiers et humains investis à l’école, dans le primaire et dans le secondaire, parce qu’il faut une continuité dans l’effort, et je souhaite en particulier que soit renforcée la formation des enseignants parce que le creuset de la République ne peut voir son destin dépendre des caprices de la conjoncture économique ; parce que faire du parcours éducatif une variable d’ajustement budgétaire est un scandale quand des dizaines de milliers d’enfants sortent encore chaque année du système sans la moindre qualification et que tant d’établissements souffrent du besoin de professeurs, de surveillants, de personnels médicaux, de psychologues, de conseillers d’orientation, de CPE, de personnels ouvriers et de services.

C’est pourquoi je veux que la reconnaissance de la Nation à ces enseignants ne soit pas que symbolique, je veux qu’elle se traduise sur leur pouvoir d’achat, dans leurs évolutions de carrière et dans leur formation. Cette révolution nécessaire s’accompagnera d’une rénovation des pratiques et du métier d’enseignant.

Et c’est pour assurer cette sécurité au long court que je m’engage à édicter un plan pluriannuel de pré-recrutement, de recrutement et de création d’emplois. Nous ferons voter au Parlement une loi de programmation et nous stabiliserons sur les cinq années de la législature les moyens pour sécuriser, apaiser, harmoniser les relations entre l’école et la nation car en voilà assez des angoisses, des fermetures de classes, des redéploiements qui frappent le système scolaire à chaque rentrée scolaire.

Je crois que le moment est venu de procéder autrement, je crois que le moment est venu là aussi de nouer un pacte présidentiel avec le système scolaire pour qu’il soit assuré sur la durée, et les élus locaux aussi qui sont en première ligne souvent des batailles scolaires contre la fermeture des écoles, et les élèves, et les parents d’élèves qui veulent aussi pouvoir compter sur la stabilité et sur la sécurisation des moyens.

Mais je veux aussi parler le langage de vérité à la communauté éducative. Des établissements ont davantage besoin de soutien que d’autres, et l'Éducation nationale doit avoir l’audace de rompre avec les approches uniformes, et je l’ai dit tout à l’heure, et je le répète, elle doit pouvoir favoriser des pédagogies sur mesure, du soutien individualisé en favorisant le travail en équipe et l’expérimentation.

Cela commence, cette bataille pour la réussite scolaire, très tôt, et c’est pourquoi le pacte que je vous propose établira la scolarité obligatoire à trois ans et instituera, avant cet âge, un service public de la petite enfance. C’est là que se trouve la première inégalité entre les familles. C’est là, dès le plus jeune âge, la plus criante des inégalités. Le nombre de mots compris par un enfant à l’entrée du cours préparatoire peut varier, suivant l’origine familiale, de 600 à 1 800 mots. De tels écarts sont porteurs d’inégalités toute la vie, et l’école, c’est sa mission la plus noble, peut réparer ces inégalités et doit en avoir les moyens, car je veux, moi, un système éducatif où chaque enfant aura le même droit d’être soutenu pour faire ce devoir.

Je veux que l’école soit ouverte et que soient généralisées les expériences école ouverte pour épauler ceux qui en ont le plus besoin après les heures de cours. Je veux que le soutien scolaire individualisé soit gratuit dans l’école de la République, et cela sera la véritable révolution éducative. Et je veux naturellement que les enseignants qui consacrent leur temps à ce soutien aient droit à une rémunération supplémentaire et disposent de locaux pour accomplir leur mission.

Je veux également qu’ils puissent faire appel à des personnels supplémentaires qui puissent les aider dans ce travail individualisé. Oui, il faudra établir un système de soutien partout où il y en a besoin pour raccrocher les élèves qui décrochent, c’est cela l’ordre éducatif juste que l’on doit aux enfants, aux parents, car c’est à la puissance publique de réparer les injustices nées de la société, de même que c’est à la puissance publique d’établir et de garantir une vraie gratuité et d’interdire les obligations d’achat que l’on trouve encore trop souvent même à l’école élémentaire. Et j’en prends ici l’engagement : l’école de la République sera partout totalement gratuite.

Des centaines de milliers d’enfants et d’adolescents vivent chez eux une misère sociale et culturelle, et là se trouvent les racines de l’échec scolaire. Comment bien préparer ses devoirs quand le bruit empêche la concentration, quand l’enfant partage sa chambre avec plusieurs frères et sœurs, quand il doit dormir dans la pièce commune, quand il est gavé de mauvaise télévision ? Comment demander l’excellence à des enfants qui ont mal dormi, mal ou trop peu mangé ? Là aussi, c’est le rôle de la puissance publique d’agir, et on le voit bien, les politiques scolaires vont de pair avec les politiques de la ville et avec les politiques du logement social et de la mixité urbaine. L’un ne va pas sans l’autre. C’est pourquoi la priorité donnée au logement social est aussi à la source de la lutte contre les inégalités scolaires.

Puis, le pacte de la réussite éducative, c’est refuser que la vie d’un adolescent soit déterminée à quatorze ans dans l’apprentissage. Ce que je veux, c’est insérer l’apprentissage dans le parcours scolaire, c’est initier tous les collégiens au travail manuel et à toutes les formes d’intelligence. Je crois, oui, que toutes les formes d’intelligence conceptuelle, concrète, sensible, manuelle s’imbriquent et se nourrissent l’une de l’autre. Ce que je veux, c’est repenser les mécanismes d’orientation dans ce qu’ils peuvent d’avoir d’irréversible et de brutal.

Nous ménagerons des cycles de transition, nous éviterons tant que faire se peut les passages chocs, nous instituerons des lycées des métiers où, peu à peu, au fil des cycles, la même noblesse ira aux filières techniques et professionnelles qu’aux filières classiques.

Je veux qu’un jeune qui apprend à dessiner le plan d’une turbine soit aussi bien considéré qu’un jeune qui récite Antigone. Je veux que l’apprentissage soit une voie de formation véritable permettant de mettre le pied dans une formation qualifiante et ouverte et que cet apprentissage soit aussi diffusé par les lycées publics pour déboucher sur l’emploi et sur la réussite.

Et puis d’autres chantiers nous attentent, et notamment assurer la pleine maîtrise de notre langue nationale pour chaque enfant de ce pays, c’est la clé de tout, la passion, l’amour de la langue française : d’elle, tout procède, et vers elle, tout converge. Elle est la colonne vertébrale de notre école, elle est le savoir des savoirs, la porte qui ouvre aux autres disciplines. C’est par elle et pour elle que le cœur de l’école doit battre jour après jour, notre langue française, car un enfant qui n’accède pas à la maîtrise de la langue est un enfant blessé, et un enfant blessé est un enfant exclu, et un enfant exclu est un enfant qui, demain, faute d’utiliser le pouvoir des mots, sera tenté d’utiliser le pouvoir des coups.

Alors penser un plan aussi pour les arts à l’école, de la maternelle à l’université, c’est un enjeu majeur, et je le dis solennellement, tout enfant de ce pays a droit non seulement à l’alphabétisation culturelle, mais à l’initiation à un art. Ce que Jules Ferry a réalisé pour la lecture et le calcul, je le ferai pour l’éducation artistique.

Je voudrais que cela soit fait dans toutes les écoles de France. Je crois que nous pouvons, en réhabilitant ce qu’on appelait jadis les humanités, en redonnant toute sa place à la culture dite générale, c’est-à-dire à la culture tout court, je crois que nous pouvons infuser dans toutes les écoles l’esprit des maisons de la culture.

Et puis je me suis exprimée sur le sport ce matin devant le Comité national olympique et sportif français, et suite aux manifestations des enseignants, aux jeunes qui ont été engagés dans les STAPS avec la diminution de 70 % des CAPES dans cette profession indispensable parce que c’est d’abord par le sport que nous lutterons pour l’intégration, que nous lutterons contre toutes les formes de discrimination, que nous lutterons pour la tranquillité et pour l’harmonie à l’intérieur de l’école.

Et je l’ai dit, je le répète ici, non seulement le budget des sports sera doublé, mais les moyens qui ont été retirés à l’UNSS seront rétablis parce que les enseignants ont le droit de se voir reconnaître le travail sportif en périscolaire, et le retrait de 70 % des postes au CAPES d’éducation physique et sportive seront rétablis et seront remis à niveau pour tous les jeunes qui se sont engagés sur la base de promesses fallacieuses dans ces filières et qui, aujourd’hui, n’ont pas de débouché, demain, ils retrouveront ces débouchés parce que les écoles, les élèves, les adolescents n’ont jamais eu autant besoin qu’aujourd’hui d’accéder à la pratique sportive.

Le pacte de la réussite éducative, c’est également d’engager une loi d’orientation et de programmation pour l’enseignement supérieur. Et j’aurai l’occasion demain de m’exprimer sur ce sujet en articulant l’enseignement supérieur et la recherche.

A un moment où les Français regardent et comparent les modèles de société qui leur sont proposés pour l’élection présidentielle, je voudrais insister, mais vous l’avez compris déjà, sur la différence qui oppose projets contre projets, vision de la société contre vision de la société, par ce retour en force de la priorité de l'Éducation nationale.

Et je voudrais vous dire aussi que les moyens, nous les trouverons car, quand j’entends le candidat de l’UMP demander la construction d’un deuxième porte-avions, je n’y suis pas favorable, je l’ai dit, je l’ai dit et je me suis exprimée sur ce sujet, je maintiendrai inchangé l’effort de défense nationale, parce que nous vivons dans un monde menacé dans le cadre duquel la France ne peut pas baisser la garde, ni son effort de défense. Mais je n’engagerai pas la construction d’un deuxième porte-avions car je considère que cet équipement doit se faire dans le cadre de l’émergence d’une défense européenne et doit devenir un chantier européen.

Alors, si la Nation est capable de dégager le coût d’un deuxième porte-avions, j’en fais ici le serment, cette marge de manœuvre supplémentaire, cette valeur-là n’ira pas à la défense nationale, mais ira à l'Éducation nationale. Voilà la différence.

Mon autre priorité sera d’inventer réellement la formation tout au long de la vie.

Depuis la nuit des temps, notre système éducatif repose sur une césure générationnelle finalement absurde, il s’adresse souvent à la jeunesse, et c’est indispensable, mais s’arrête parfois trop souvent à l’obtention du diplôme. Or, on le sait, l’explosion technologique, la mondialisation des échanges, le chômage de masse qui a accompagné tout cela, ont bouleversé ce schéma. Et on le sait aujourd’hui, puisque les pays qui reconnaissent le chemin de la croissance sont ceux qui investissent massivement dans la formation professionnelle et dans la qualification.

C’est pourquoi il est indispensable que les hommes et les femmes d’aujourd’hui aient accès tout au long de la vie à cette formation. Et c’est pourquoi je propose deux choses.

D’abord, la création d’un compte éducation-formation dont chacun disposera à la fin de la scolarité obligatoire, et qui sera d’autant mieux doté que la formation initiale aura été insuffisante.

Ensuite, l’inscription dans le contrat de travail de périodes de formation qui seront négociées naturellement par les partenaires sociaux, et enfin la Sécurité sociale professionnelle qui comprendra des périodes de formation professionnelle rémunérée lorsque les salariés perdent leur emploi parce que cette formation n’est plus adaptée au marché de l’emploi.

Oui, offrir à chaque travailleur, à chaque demandeur d’emploi, le droit et les moyens de s’adapter tout au long de la vie à l’évolution des techniques et des savoirs, c’est le rêve des Républicains. Avec ce rêve, nous commencerons, avec ces actions, à l’inscrire dans la réalité.

Et je veux vous le dire maintenant, je veux le dire ici solennellement, à chaque enseignant, à chaque élève, à chaque parent, mais aussi à toute la société, parce que tous les citoyens sont comptables et dépendent d’une certaine façon de la qualité de notre système éducatif et de formation, ce pacte, je le tiendrai parce que je le tiens pour fondateur, mais ni ces réformes, ni les moyens que la Nation y consacrera ne suffiront si chaque citoyen n’y apporte pas son concours actif.

Aidez-moi à réussir, enrichissez-moi de votre expérience. Le chantier est vaste, il a besoin de chacun. L’ambition est immense, elle a besoin que chacun et chacune d’entre vous dans ce pacte présidentiel assume sa part d’action et d’effort nécessaire et d’engagement.

Et l’école de la République telle que je la conçois, c’est l’école de la responsabilité, et la responsabilité c’est sans cesse renouveler et dépasser les intérêts personnels ou catégoriels, car c’est avec elle, avec cette volonté partagée, avec ce dépassement de soi, que l’école de la République trouvera la force de renouer avec son génie et de continuer sa longue et belle histoire. Et c’est parce que je crois en l’intelligence du peuple français, parce que nous connaissons son talent, parce que je sais qu’il n’est jamais si profondément lui-même que lorsque le sol paraît se dérober sous ses pas, que je suis convaincue qu’il entendra cet appel et qui, au-delà de cette salle mais avec cette salle magnifique, portera avec moi cette grande idée d’une école de tous, d’une école pour tous, et d’une école pour toute l’existence.

Et la France possède tous les atouts pour gagner cette bataille mondiale de l’intelligence. La France est équipée pour figurer au tout premier rang de cette bataille qui est celle de la transmission des savoirs.

Alors je vous le demande : portez ces paroles, portez ce pacte, saisissez-vous-en, allez vers les citoyens car c’est de notre avenir commun qu’il s’agit, c’est d’une volonté farouche de changer vraiment ce qui se passe aujourd’hui en France, c’est d’une exigence, c’est parfois un cri, une attente désespérée de quelque chose qui ne vient pas et qui va enfin finir par arriver, cette France plus juste, cette France plus forte, cette France du respect pour chacun et du progrès social pour tous, cette France du refus des violences, des inégalités, des précarités, des mépris de toutes sortes, cette France des mensonges, cette France de l’immoralité, cette France du mélange des genres et des pouvoirs, cette France qui mérite mieux que ce qu’elle a.

Je le sens aujourd’hui, le peuple de France, il est là, à Dunkerque, devant moi, il a envie que ça change, il a envie que nous réussissions, il a envie que la France se relève. Avec vous je sais que cela devient possible. Seule je ne peux rien, mais avec vous, ce changement arrive, ce souffle, il est là, le peuple le voudra, le peuple doit se mettre en mouvement car il attend des millions d’hommes et de femmes qui hésitent à revenir vers les urnes. Je leur dis : revenez vers les urnes. Toutes ces catégories populaires qui ne croyaient plus dans la politique et qui hésitent encore, qui regardent, qui attendent, portez-leur le pacte présidentiel, montrez-leur qu’il y a une révolution profonde, une autre façon de voir les choses, une autre façon de remettre les valeurs humaines au cœur de tout et en avant de tout, et en tout premier lieu cette éducation, c’est-à-dire cet investissement dans la génération qui se lève.

Je fais appel à toutes les générations, celle qui se lève, mais aussi la génération des anciens qui a envie de transmettre à la nouvelle génération les valeurs auxquelles nous tenons car la politique, c’est d’abord cela : transmettre à la génération qui vient des valeurs fondamentales, des sécurités, des dignités pour que, à son tour, cette génération puisse transmettre à la génération suivante.

Voilà le pacte présidentiel que je vous propose, celui de la transmission des valeurs, des savoirs, des confiances, pour que demain, la France soit plus belle et soit plus forte.

Alors, en avant, je vous fais confiance, vive la France, vive la République et vive l’école.

lundi 12 février 2007

Le pacte présidentiel de Ségolène ROYAL






Discours de Ségolène ROYAL à Villepinte, le dimanche 11 février 2007


Le pacte présidentiel de Ségolène ROYAL : 100 propositions pour la France

Plus juste, la France sera plus forte


Je suis heureuse de voir toute la famille de la gauche rassemblée et vous tous et toutes aussi nombreux que je salue. C’est forte de cette unité que je peux m’adresser à tout le peuple français. Votre présence m’y aide. Vous avez senti que le moment serait crucial. Vous me donnez du courage même si je n’en manque pas.

A cet instant, je veux m’adresser à tous les Français, c'est-à-dire à chacun de vous, qui attendez de savoir de quoi demain sera fait.

Je vais vous parler avec gravité.

L’élection présidentielle est le moment clef où se refonde le pacte républicain et où on va décider l’avenir d’au moins deux générations, compte tenu la lourdeur des déficits relevés.

J’ai voulu prendre le temps de vous écouter.

J’ai entendu vos appels, vos craintes, vos détresses, vos révoltes mais aussi vos attentes, vos désirs, vos espérances.

Aujourd’hui, voici venu le jour de vous dire comment j’entends répondre à ces crises qui minent notre société et qui instillent dans ses veines le terrible poison du doute, de la résignation et, parfois, de la colère mais comment aussi permettre à la France de saisir toutes ses chances, et elles sont nombreuses, de libérer tous ses talents, toutes ses énergies.

Vous êtes venus très nombreux dans cette phase de démocratie participative.

Plus de 2 millions d’entre vous sont venus, d’une façon ou d’une autre, dire ce qu’ils avaient sur le cœur et que la société politique n’entendait plus.

Cette parole que vous avez prise, je vous demande de la garder.

A ceux qui ne l’ont pas prise, je demande de la prendre au plus vite. J’ai besoin de vous, de vos intelligences, de vos exigences, de vos générosités pour construire une France qui se ressemble et se rassemble.

Avec moi, plus jamais la politique ne se fera sans vous.

C’est forte de cette phase d’écoute et soucieuse de respecter votre effort pour prendre la patole que je me sens en mesure, aujourd’hui, de vous proposer plus qu’un programme : un pacte d’honneur, un contrat présidentiel, que je propose à tous et à toutes, les plus vulnérables comme les plus forts, ceux qui sont nos partisans depuis toujours et ceux qui ne le sont pas ; car la France a besoin de tous les siens ; elle a besoin de ceux qui vont bien comme de ceux qui décrochent ou qui ont peur de décrocher. Je veux, aujourd’hui, redonner courage et espoir aux plus faibles. Je veux, à tous, dire que le temps de l’imagination et de l’audace est venu. Je n’oublierai personne car, pour que la France se relève, elle a besoin de chacun et de chacune.

J’ai bien dit un pacte d’honneur et de confiance. Car j’ai aussi compris (et je m’en réjouis !) que vous ne croyez plus à la magie des promesses qui n’engagent que ceux qui les reçoivent. Vous ne croyez plus aux engagements d’un jour et à la démagogie. Et c’est pourquoi je veux vous dire la vérité, la difficulté de la tâche qui nous attend, en même temps que ma détermination à l’accomplir avec vous.

Nous allons agir ensemble.

Nous allons, ensemble, faire que la France se retrouve et que chacun l’aime et se retrouve en elle et accomplisse le changement profond, une autre façon de voir les choses.

Le temps n’est plus aux colmatages ou aux accommodements avec des systèmes qui ne fonctionnent plus.

Il faut tout revoir, tout repenser – et ne craindre ni d’imaginer ni d’inventer.

Il faut entendre et lire, dans les cahiers d’Espérances issus de nos débats participatifs, le cas d’Odile, cette mère célibataire, admirable de courage et de dignité, qui attend un logement depuis 4 ans et raconte sa honte de vivre, avec ses deux filles, dans une chambre de 12 m².

Il faut entendre Martine me dire, les yeux secs, le regard fier, mais les larmes dans la voix : « quand les enfants sont invités à un goûter d’anniversaire, j’invente une excuse pour qu’ils n’y aillent pas parce que je ne peux pas rendre l’invitation ».

Je faut entendre ce père de famille alsacien que je n’oublierai, moi, jamais : « je vis le RMI comme une maladie honteuse ; je ne veux pas être un assisté malgré moi ; je ne veux pas que les enfants me voient comme ça».

Ou encore, à Roubaix, l’histoire d’Adeline, terrorisée à l’idée de retrouver, après notre débat, un mari violent et dont elle ne sait pas qu’il sera capable, un jour, de la battre à mort, comme le subisse trois femmes par semaine.

Ces cris de détresse silencieuse, ces pauvres vies brisées, ces familles humiliées, ravagées par la misère et l’iniquité, ces destins marqués au sceau d’une malédiction qui ne dit pas son nom – c’est tout cela que j’ai à l’esprit, là, à l’instant de m’adresser à vous et c’est cela qui me donne le désir de me battre, de vaincre et de proposer cette politique d’alternance qui, seule, sera capable de surmonter les crises.

Crise des banlieues : dans les quartiers, le feu couve sous la cendre.

Crise économique, avec les emplois qui se détruisent.

Crise sociale.

Crise éducative.

Crise morale.

Crise écologique.

Crise internationale enfin, sur fond de prolifération nucléaire, de montée des fanatismes et hystéries guerrières.

Pour surmonter ces crises, il faut une nouvelle politique.

Pour surmonter ces crises, il faut une France Neuve.

Voilà ce que vous m’avez dit.

Et voilà ce que j’entends mettre en œuvre.

Comment augmenter les bas salaires si les entreprises ferment ?

Comment augmenter les petites retraites si les déficits se creusent ?

Comment augmenter l’effort pour l’éducation et la santé lorsque la dette explose ?

Telles sont les questions que vous m’avez posées. Mais vous m’avez dit aussi que chaque nouveau droit devait aller de pair avec des devoirs.

Et vous l’avez fait avec une franchise, une lucidité, une volonté de refuser les solutions toutes faites et les fausses promesses des marchands d’illusion, vous l’avez fait avec une rigueur dont je dois vous dire qu’elles m’obligent. Et c’est pourquoi j’ai décidé de vous parler en premier de notre situation économique et, en particulier, du problème de la dette.

La dette publique est devenue insoutenable. Elle représente 64% du PIB et 18 000 euros par Français.

Les intérêts qu’elle génère sont devenus à eux seuls la 2ème dépense du budget de la Nation.

Le déficit des comptes sociaux a triplé.

La sécurité sociale est grevée par plus de 80 milliards de déficit cumulé.

Notre appareil productif est affaibli.

Notre commerce extérieur affiche un déficit de 30 milliards d’euros.

La production industrielle stagne et l’investissement productif des entreprises ne décolle pas.

Voilà la France qu’ils nous laissent.

Voilà l’état des lieux au sortir de la période qui s’achève.

Et c’est à vous, c’est à moi, c’est à tous les Français qui, à partir d’aujourd’hui nous rejoindront, qu’il appartient de relever le pays.

Je suis convaincue, par exemple, qu’il faut changer, de toute urgence, notre façon même de concevoir la création de valeurs et de richesses.

Je suis convaincue qu’un développement durable repose aujourd’hui sur trois piliers (économique, social, environnemental) et que la défaillance d’un seul peut faire crouler le tout.

Nous sommes la 5e puissance économique mondiale. Mais nous devons ce rang au travail des Français qui conquièrent des marchés, innovent, prennent des risques et travaillent dur. Et je suis convaincue que nous ne tiendrons durablement ce rang que si nous recréons notre capacité à mobiliser les compétences, à motiver les salariés et à créer, en fait, ce vrai dialogue social qui reste, en France, si terriblement archaïque.

L’inventivité des entrepreneurs doit être, reconnue. Mais la dignité du travail doit être respectée et même remise à l’honneur. Avec cette reconnaissance et ce respect, nous réussirons comme l’ont fait ….. Voilà pourquoi je m’engage à tout faire pour que, si je suis élue, un nouvel essor soit donné à la démocratie sociale et au dialogue social constructif qui va avec. Et voilà pourquoi je m’engage, en même temps, à soutenir l’effort des entreprises innovantes et créatrices d’emplois. C’est ce que j’appelle les cercles vertueux.

Je le crois de toute mon âme : nous avons les moyens de relancer la croissance et la machine économique. Je veux réconcilier les Français avec l’entreprise pour sortir la France des déficits et accomplir des progrès sociaux dont nous avons besoin.

J’en ai pris une claire conscience tout au long de ces semaines passées à écouter et observer : nous sommes un pays d’excellence technologique où pas un jour ne passe sans que des hommes et des femmes se lancent pour donner corps à un projet créateur d’activité, de valeur et d’emploi.

Eh bien je suis reconnaissante à ces entrepreneurs du risque qu’ils prennent et qui permet de créer, chaque année, les emplois que la mondialisation financière déplace.

Je sais gré à ces PME de moins de 250 salariés qui sont plus de 2 millions en France et qui sont nos premières créatrices d’emplois.

Et je m’engage aujourd’hui, devant vous, à tout faire pour soutenir leur effort et pour créer l’environnement dont elles ont besoin et qu’elles méritent.

Je m’engage aussi à faire de la recherche et de l’innovation une des priorités majeures de mon mandat.

Je m’engage à augmenter le budget national de recherche-développement de 10 % par an.

Sur les 65 milliards d'aide aux entreprises, seuls 5 % sont orientés vers la Recherche et l’innovation, je m’engage à porter cette part à 15%.

Par des mesures fiscales, je m’engage à encourager les entreprises à innover et à faciliter, pour cela, leur accès aux financements bancaires.

L’Etat soutiendra les pôles de compétitivité qui associent laboratoires et entreprises dans des réseaux d’excellence.

Trop de régions attendent aujourd’hui une aide de l’Etat qui ne vient pas ! Eh bien l’Etat, si je suis élue, soutiendra les porteurs de projets, partout où ils se trouveront, en généralisant les Ateliers de la Création.

Je m’engage à ce que les entrepreneurs qui garantissent les emprunts de leur entreprise sur leur patrimoine propre soient sécurisés par un mécanisme de caution mutuelle.

Je veux aussi que l’école et l’entreprise se rapprochent.

Je veux que l’entreprise devienne un lieu familier aux jeunes dès l’enseignement secondaire et jusqu’à l’université.

Je le veux parce que vous le voulez.

Et vous le voulez parce que l’insertion professionnelle de nos enfants et, donc, leur choix de métier et d’avenir en seront facilités.

Les Français, je l’ai également compris, aspirent à voir l’Etat réformer profondément sa gestion pour dégager des économies et donc des marges d’action.

Sans doute cette réforme sera-t-elle, chez nous, plus difficile à mener qu’ailleurs.

Car la France, n’est-ce pas, s’est constituée autour de son Etat central !

Car il fut, cet Etat, partie prenante à sa construction, sa puissance, sa grandeur !

Mais nous devons agir.

Nous avons un Etat qui est devenu beaucoup trop lourd.

Nous avons trop ministères.

Nous avons des ministères qui ont, en dix ans, changé huit fois de périmètres et donc de dénominations avec toutes les dépenses inutiles, toutes les pertes d’efficacité, que cela suppose.

Il faut réformer tout cela.

Il faut alléger le poids de nos administrations.

Il faut les mettre au service des citoyens alors que, trop souvent, les citoyens ont le sentiment d’être le jouet des administrations.

Il faut soulager des administrations centrales qui s’épuisent à gérer des personnels répartis sur le territoire et des crédits de toutes sortes.

Il faut en finir avec cette lourdeur de l’Etat central qui engendre toujours plus de textes législatifs ou réglementaires – et des textes qui, bien souvent, sont à la fois illisibles et inutiles.

Les fonctionnaires en sont les premières victimes lorsqu’ils s’épuisent en réunions stériles au lieu de donner l’impulsion et la créativité dont ils sont porteurs et qui sont leur vraie vocation.

Face à cette situation, face à ce gaspillage d’énergie et de substance, je propose :

- de limiter le nombre de ministères,

- d’en finir avec l’inflation réglementaire qui nous caractérise trop souvent

- d’expérimenter à chaque fois pour réformer vraiment

- d’engager une nouvelle étape de la régionalisation, mettant fin à la ruineuse superposition des compétences.

Ce sont les régions qui, par exemple, mettront à niveau les bâtiments et résidences universitaires.

C’est aux régions qu’incombera la tâche de sortir les prisons françaises de l’état honteux où elles se trouvent.

Ce sont les régions qui piloteront le service des aides économiques et de la formation professionnelle.

L’Etat, certes, garantira par un fond de « péréquation » l’égalité entre les régions qui bénéficieront donc, pour remplir ces nouvelles missions, d’un transfert de ressources. Mais nouvelles missions pour les régions, il y aura. Nouvelles intelligences territoriales, on verra naître.

Et tant pis pour ce vieux jacobinisme qui est l’un des démons les plus malins de ce pays !

J’ai la passion du service public.

Je sais que les Français sont habités par la même passion.

Et, aussi, les fonctionnaires qui ont une conception exigeante de leur mission.

Ensemble, nous allons donner un coup de jeune à cet Etat colbertiste, jacobin, centralisé à l’excès, croulant sous le poids des ans, des bureaucraties inutiles et des réglementations trop complexes.

Ensemble, nous allons mettre l’Etat à l’heure de ce désir d’autonomie, de responsabilité civique et de liberté que j’ai senti monter d’un bout à l’autre de la France.

Je veux construire un ordre social et économique juste

Le règne sans frein du profit financier est intolérable aux pour l’intérêt général.

Il est insupportable à ceux qui vivent de leur travail et il est dramatique pour ceux qui n’arrivent pas à en vivre.

C’est ce cri de colère que j’entends monter de la France qui travaille et de celle qui aimerait travailler. Colère contre les délocalisations qui dévorent l’emploi.

Colère contre le fait que 23% des jeunes sont sans emploi, que l’âge du premier emploi n’en finit pas de reculer et que la précarité des contrats se généralise.

Colère quand priorité est donnée à la rente et au capital financier et que cela conduit à l’augmentation constante des loyers et du foncier.

Colère quand la moitié des salariés du privé touche moins de 1400 euros par mois, que 4 millions de salariés sont payés au Smic au bout de 20 à 30 ans de travail.

Colère encore quand on sait qu’il y a 7 millions de pauvres en France qui vivent avec moins de 700 euros par mois, que 2 millions d’enfants sont condamnés à vivre dans la pauvreté et qu’il y a là comme une forme moderne de malédiction et de destin.

Les Français, oui, sont en colère face à cela.

Et moi, Ségolène Royal, je dis que ce n’est pas juste, c’est le pacte social qui est rompu et que c’est dangereux.

Nous devons refuser cette situation.

Nous devons stopper le descenseur social.

Comme le criait le père Wreznisky, le fondateur d’ATD Quart Monde, « c’est l’homme qui crée la misère, c’est l’homme qui peut détruire la misère ».

Quand, dans un pays comme la France, deux millions de personnes ont recours à l’aide alimentaire, quand on sait qu’il y a, chaque jour, en France, 2000 accidents graves du travail, quand on sait qu’à 35 ans un ouvrier ou un employé a sept ans de moins d’espérance de vie qu’un cadre, quand on sait que 27% des salariés travaillent debout en permanence, que 37% sont exposés à l’inhalation de produits chimiques sur leur lieu de travail, quand on sait que les victimes de l’amiante ne sont toujours pas indemnisées ou qu’un million et demi de personnes se trouvent en situation de surendettement, quand on sait, enfin, que les femmes sont les premières victimes des bas salaires et des petites pensions, que l’écart de salaire avec les hommes est encore de 25%, quand on sait tout cela, on est bien obligé de se dire, et de crier, que, oui, le lien social se délite ; on est bien obligé de se dire et de crier que tout cela est comme une cicatrice sur le corps d’un pays qui a inventé la plus belle devise du monde : « liberté, égalité, fraternité » ; et moi, Ségolène Royal, je ne peux pas ne pas m’associer à ce cri, le relayer, lui prêter ma voix et ma volonté

Vous m’avez dit des choses simples et vraies.

Vous m’avez dit vouloir des écarts de revenus moins injustes, une réforme de la fiscalité qui taxe davantage le capital que le travail.

Vous m’avez dit vouloir que le travail soit payé à son juste prix.

Vous m’avez dit, enfin, vouloir que des solutions à la crise du logement soient trouvées au-delà des éternels discours.

Est-il normal, m’avez-vous dit, que des jeunes travailleurs habitent en caravane et que de petits retraités soient chassés de leur logement faute de pouvoir payer leur loyer ? .

Eh bien je vous ai entendus.

Et je n’aurai de cesse, si je suis élue, que de répondre à votre juste colère.

Je propose un pacte présidentiel pour le pouvoir d’achat garanti et la sécurité du logement tout au long de la vie.

Je propose (parce que vous avez été nombreux à me dire que les chiffres officiels de la hausse des prix sont inférieurs à la réalité) une réforme de l’indice des prix. Nous utiliserons des indices de prix différents, tenant compte de la réalité des dépenses des ménages pour revaloriser les retraites, le SMIC et les minima sociaux.

Je m’engage à une hausse du SMIC à 1500 € par mois et à une hausse des bas salaires, au dessus du SMIC, qui sera fixée par les partenaires sociaux dès juin 2007 dans le cadre de la conférence sur les salaires.

Pour que cette augmentation puisse se faire rapidement, et sans pénaliser les petites entreprises, je m’engage à mettre en place un plan massif de formation professionnelle débouchant sur un système gagnant – gagnant : le salarié sera mieux payé, mieux qualifié et l’entreprise plus performante.

Je m’engage, pour les jeunes sans ressources et qui vivent, de plus en plus nombreux, dans la précarité, je m’engage à créer une allocation d’autonomie et d’entrée dans la vie active ; laquelle allocation leur sera versée en contrepartie d’une obligation de formation sérieuse, d’une recherche active d’emploi et, pour les étudiants, d’heures de soutien scolaire auprès d’élèves en difficulté.

Je mettrai en place un plan de rattrapage pour les petites retraites, avec une hausse immédiate de 5 % intervenant dès 2007. Le minimum vieillesse sera versé mensuellement et les retraites de la Sécurité Sociale seront payées au 1er de chaque mois, pour éviter les découverts. Nous procéderons aussi, dès 2007, à une augmentation de 5 % de l’allocation adulte handicapé.

Je rétablirai également le programme Handiscol qui a été démantelé pour permettre d’accueillir tous les enfants handicapés dans le sein de l’école.

J’insiste sur la question du logement.

Je l’ai souvent dit, vous le savez : tout commence par les familles car, si les familles fonctionnent bien et assument leur devoir d’affection, d’éducation et de surveillance, alors les enfants démarrent dans la vie dans de bonnes conditions.

Eh bien le logement est la condition première d’une vie de famille sécurisée.

Et les inégalités criantes dans ce domaine doivent se réduire si l’on veut aider les familles à être ces lieux d’éducation et d’épanouissement des enfants qu’elles doivent être.

Il y a les Sans-Domicile-Fixe, naturellement, pour lesquels des solutions d’urgence doivent être trouvées : je propose, à cet égard, de faire obligation à chaque ville de créer une place d’hébergement d’urgence pour 1000 habitants ; je propose une politique d’accompagnement humain permettant à ceux qui ont basculé, travailleurs pauvres, femmes seules, jeunes à la dérive, de se raccrocher à une utilité sociale ; et je rends hommage au travail des associations qui jouent un si grand rôle pour réinsérer ces gens dans l’activité et dans l’emploi.

Mais l’urgence ne doit pas faire oublier les autres problèmes de fond.

Les scandales les plus criants ne doivent pas occulter le fait que la crise du logement frappe aussi celles et ceux qui travaillent et qui font des efforts pour payer leur loyer.

Je propose, là-dessus, quatre mesures concrètes, bien connues de ceux qui se battent sur ce problème et que j’ai également rencontrés dans le cadre de ces débats participatifs :

1. La construction des 120.000 logements sociaux dont on a besoin et qui, faute d’obéissance à la loi SRU par certaines communes, ne sont pas construits. L’Etat se substituera à la carence de ceux qui s’enferment dans l’égoïsme territorial en lançant lui-même les programmes de logement nécessaires. Il faut cela pour que le droit opposable au logement ne soit pas une promesse électorale ou un vain mot. Il faut cela pour que l’amélioration de la situation des plus démunis ne produise pas l’aggravation de la situation de ceux qui paient leur loyer.

2. La création d’un service public de la caution permettant d’assurer les impayés de loyer et d’éviter les expulsions.

3. La mise en location des nombreux logements vacants spéculatifs. Pour cela seront surtaxés les logements inoccupés depuis plus de deux ans et la possibilité existera pour les communes de procéder à des acquisitions-réquisitions.

4. L’accès à la propriété sera favorisé et encouragé par l’extension des prêts gratuits. Aujourd’hui, les Français aspirent à la propriété de leur logement. Je veux que ce soit possible et que ceux, notamment, qui ont fait l’effort, dans le logement social, de payer leur loyer pendant quinze ans puissent accéder à la propriété.

5. Enfin, avec les Régions, l’Etat aidera à la mise en place d’un programme de logement pour les étudiants et les jeunes travailleurs.

Je serai, aussi, la Présidente du travail pour tous et du métier pour chacun.

Je réhabiliterai la valeur travail.

Dans le pacte présidentiel que je vous propose.

Et d’abord, à la base, j’engagerai une lutte sans merci contre le chômage des jeunes, un des plus élevés d’Europe et l’une des sources du découragement, de la révolte contre l’absence de futur et, à la fin, de la délinquance.

Tout jeune doit pouvoir sortir du système scolaire et universitaire avec un diplôme : c’est le contrat qu’il faut passer entre la Nation et son école.

Pour les 190 000 jeunes qui sortent de l’école ou de l’université sans aucune qualification, je reprends la proposition de Jacques Delors d’ouvrir un chantier d’intérêt national.

Aucun jeune, diplômé ou qualifié, ne doit rester au chômage plus de six mois, sans qu’une formation ou un contrat ne lui soit proposé - c’est un droit pour lui et un devoir pour nous.

Tout jeune doit pouvoir bénéficier d’une possibilité d’insertion et je propose, à cet effet, de généraliser les bourses et les emplois-tremplins que les Régions ont mis en place, avec un objectif de 500 000 emplois tremplin.

L’Etat ouvrira, enfin, un nouveau droit : chaque jeune, à sa majorité, disposera d’un prêt gratuit de 10.000 euros, pour lui permettre de construire son premier projet de vie. Je le dis solennellement à toutes celles et tous ceux qui doutent, qui rencontrent plus de portes fermées que de mains tendues : la France a besoin de vos talents et de votre énergie ; les entreprises et les services publics ont un devoir à remplir à l’égard d’une génération qui représente aussi leur avenir.

Je leur dis aussi qu’à leur âge, on a le droit à l’erreur, que la peur de l’échec ne doit pas paralyser, qu’on apprend et qu’on se renforce aussi dans les difficultés que l’on rencontre : vous devez croire en vous car la France aime ses enfants, tous ses enfants et n’est elle-même que lorsqu’elle lutte contre toutes les formes de discrimination.

Dans l’intérêt des entreprises comme des salariés, dans l’intérêt de la France, je créerai la Sécurité Sociale professionnelle qui garantira, contre une formation et une recherche active d’emploi, une rémunération égale à 90% du dernier salaire perçu afin de permettre, sans drame, la mutation des emplois.

Et pour encourager, enfin, le passage du RMI au travail, je donnerai raison à ceux qui, comme l’association Emmaüs, demandent depuis longtemps la création d’un Revenu de Solidarité Active qui garantira les prestations en un mécanisme unique, durable, et garantissant que quelqu’un qui retrouve un travail ne puisse plus voir ses revenus baisser.

Et puis, n’est-ce pas, tout se tient : emploi, famille, école ?

Quand un maillon vient à casser, c’est la chaîne qui se voit fragilisée.

Et c’est l’éducation qui tient tout l’édifice.

C’est pourquoi, avec moi, l’Education, encore l’Education, toujours l’Education, elle sera au cœur de tout et en avant de tout !

L’Ecole est le cœur battant de la République.

L’Ecole est le lieu où se transmettent les savoirs et les valeurs républicaines.

L’école est le creuset où se forment les futurs citoyens.

Et l’école, vous me l’avez également dit, traverse une crise profonde.

J’ai entendu le signal d’alarme que lancent beaucoup de parents : l’Ecole tiendra-t-elle demain sa promesse d’égalité des chances ?

J’ai entendu le message des enseignants, en première ligne dans ce combat pour l’égalité et, donc, la citoyenneté : face aux difficultés qui s’accumulent, aux violences, aux incivilités qui angoissent, face aux coupes sombres dans les budgets et les emplois, face à un pouvoir d’achat qui semble baisser dans la mesure exacte où croissent les difficultés du métier, comment ne pas être tenté, parfois, de baisser les bras ?

A ces enseignants qui se battent en première ligne sur le front de la citoyenneté de demain, je veux dire ceci.

Vous serez soutenus, encouragés par la République dans votre mission.

Votre place sera mieux reconnue, vos filières de formation encore améliorées si vous en sentez le besoin.

Votre droit à l’innovation et à l’expérimentation du travail en équipe sera pleinement reconnu sans que vous ayiez à craindre les inspections un peu trop rigides.

Nous créerons un service public d’accueil de la petite enfance.

L’obligation scolaire sera fixée à 3 ans et les chances scolaires des enfants en seront accrues.

Collège et école devant assurer en son sein, ou dans les quartiers, le soutien scolaire gratuit, nous confierons cette nouvelle mission, comme vous l’avez proposé dans plusieurs débats participatifs, à un corps nouveau de répétiteurs dont la mise en place sera discutée avec l’équipe pédagogique, les associations de parents d’élèves et les élus.

La carte scolaire favorisera la mixité sociale, au lieu de consolider les ghettos.

Elle sera redécoupée pour que les secteurs soient plus hétérogènes et que chaque famille ait le choix entre plusieurs établissements. Les gros collèges seront divisés pour ne pas dépasser 600 élèves et ayant eu à nouveau confirmation des brutalités et violences subies par les élèves et les enseignants, un nouveau métier sera créé pour renforcer la discipline et développer massivement le sport et la culture qui sont les meilleurs remparts contre l’agressivité.

L’échec scolaire étant aggravé par la détresse financière et sociale et éducative des familles, je créerai des emplois-parents dans les quartiers comme l’a proposé l’association AC Le Feu et je généraliserai les écoles de parents.

L’allocation de rentrée scolaire sera doublée dès 2007 afin que soit pleinement garantie la gratuité scolaire.

La société de la connaissance exigeant un investissement massif dans l’Université et la recherche, je veillerai à renforcer l’autonomie des universités dans le cadre national et je les encouragerai à se regrouper entre régions pour atteindre une taille comparable à celle des grandes universités du monde.

Je détaillerai, jeudi prochain à Dunkerque et vendredi prochain à Strasbourg, un plan de réformes global concernant l’Education, la Recherche et la Culture.

Vous avez aussi, au cours des débats, beaucoup parlé des insécurités, des désordres et de la violence dans nos villes et à leurs périphéries..

Et de fait, depuis cinq ans, la violence à l’encontre des personnes n’a cessé d’augmenter.

4 millions de personnes ont été agressées verbalement ou physiquement dans la seule année 2005.

Le nombre de mineurs mis en cause pour des actes d’atteintes aux personnes a augmenté de 32% depuis 2002, et de 83 % en huit ans.

Plus rien ne semble être épargné par cette épidémie de violence : ni l’école, ni les familles, ni les jeunes.

J’ai parlé, déjà, des violences qui frappent les femmes. Permettez-moi d’y revenir. Car ce thème est revenu, dans nos débats, avec une terrible insistance. Et je dois avouer que j’y suis moi-même, en tant que femme, particulièrement sensible. Une femme sur dix est victime de violences conjugales. En 2004, chaque semaine, trois femmes ont été tuées par leur conjoint. Les violences, abandons, mauvais traitements d’enfants ont augmenté de 34% depuis 2002. Je veux vous le dire aujourd’hui : la première loi votée par le prochain parlement sera, je l’espère, une loi efficace contre les violences faites aux femmes.

J’ai parlé aussi de cette autre forme de violence, de cette violence douce et à peine visible, qu’est l’inégalité devant l’accès aux soins. Permettez-moi d’y insister aussi. Car enfin est-il normal que des quartiers entiers, des zones rurales, n’aient plus de médecin généraliste ? Est-il normal que trouver une prise en charge pour une personne âgée dépendante relève souvent, aujourd’hui, de l’exploit ? Est-il normal, est-il acceptable, qu’il n’y ait pratiquement plus, en France, de structures de santé de proximité ? Non, cela n’est pas normal. Non, cela n’est pas acceptable. Oui, vous êtes nombreux, très nombreux, à vivre cet état de fait comme une violence faite aux plus faibles, une brutalité terrible à l’endroit des plus modestes. Et c’est pourquoi, après vous avoir écouté, je souhaite mettre en oeuvre une politique de santé publique notamment axée sur la création d’une nouvelle génération de dispensaires en milieu rural et dans les quartiers urbains sensibles.

Et puis, il y a la violence dans les quartiers…

Où en sont-ils, les quartiers, un an après les émeutes ?

Est-ce parce qu’on les entend moins, est-ce parce que la machine à images a cessé de s’intéresser à eux et de concentrer sur eux son faisceau de lumière, que le problème est résolu ?

Et quelles réponses ont-elles été données aux appels à la justice, à l’égalité des chances, à la sécurité, qui se sont exprimés, aussi, avec une telle exaspération ?

A-t-on porté remède au précariat ? à l’insécurité sociale ? aux discriminations ? à la désertion des services publics ? au chômage des jeunes ?

Non, hélas.

Rien, ou presque rien, n’a été fait.

Or chacun sait que, si rien n’est fait, les mêmes causes produiront les mêmes effets et ce que la France a connu hier ne sera rien en comparaison de ce qu’elle connaîtra demain.

Il y aura des émeutes d’une violence extrême, et qui ne seront plus limitées aux seuls quartiers dits sensibles.

Il y aura des gestes de désespoir radical, des actes de nihilisme sans pareil, qui laisseront les pouvoirs publics sans ressource et sans voix.

La France entrera en crise.

Et c’est tout le lien social qui, de proche en proche, menacera de craquer. Il y a urgence. J’ai la ferme volonté d’empoigner ce problème à bras le corps. Ecoutons là encore, les propositions et les attentes de ceux qui agissent tous les jours sur le terrain.

Mettre les parents devant leur responsabilité pour assumer leur rôle, tout leur rôle.

Aider les mamans seules, débordées par les pré-adolescents, à se regrouper pour encadrer leurs enfants et bénéficier pour cela d’emplois parents.

La bataille pour l’emploi des jeunes de quartier doit se gagner.

Renforcer les procédures de l’encadrement scolaire et créer partout des mini-internats urbains, pour les jeunes qui ont décroché de l’école, imaginer une école de la deuxième chance avec de la culture, du sport, des voyages éducatifs, du travail solidaire.

Soutenir les associations, les élus de terrain, les travailleurs sociaux qui savent mieux que personne, pour les vivre, où sont les bonnes solutions.

A la première incartade, répondre par une sanction ferme, rapide et proportionnée, je dis bien proportionnée, alors que, trop souvent, le premier délit n’est pas sanctionné par une justice débordée qui manque de moyens ; ou alors, à l’inverse, on frappe trop lourdement des mineurs qui, en dehors des cas d’atteintes graves aux personnes, n’ont pas leur place en prison et en ressortent à 70% récidivistes et développer toutes les formes d’encadrement y compris militaire dans des chantiers humanitaires.

Créer des polices de quartier pour remplacer cette proximité hélas supprimée et renforcer les moyens de la justice des mineurs.

Mais il faut aussi : entendre le malaise que cette violence exprime, y remédier sur la longue durée, ne pas traiter les délinquants comme des sauvages ou des barbares.

Je ne veux pas de cette société toujours plus violente où, comme me l’a dit l’un d’entre vous lors d’un débat, « une bonne partie des violences est engendrée par le manque de considération envers certains jeunes. Ils ne se sentent pas utiles à la Nation et ont, de ce fait, l’impression que la Nation ne fait rien pour eux, et donc, qu’ils ne lui doivent rien ».

Je ne veux pas de cette société du « tous contre tous », cette société du « chacun pour soi ».

Je veux que la France aime sa jeunesse et exerce sur elle une juste autorité pour lui permettre de grandir.

Je ne veux pas, moi, d’un projet où la jeunesse est infantilisée, considérée comme une charge, voire une menace ou un danger.

Car une société qui a peur de sa jeunesse est une société qui n’a plus confiance en elle et qui manque à son devoir d’hospitalité à l’égard de la génération suivante.

Je veux une société qui fait confiance aux jeunes. Je pense qu’un ordre n’est pas juste, qui considère les enfants de la République inégaux en droits tout en leur imposant les mêmes devoirs.

Je crois qu’un pays est malade quand, ressuscitant le fantasme du XIXème siècle des fameuses « classes dangereuses », il devient sourd au cri de souffrance qui monte, qu’on le veuille ou non, des quartiers difficiles ou sensibles.

Et je ne peux pas me résoudre à cette souffrance.

Et je ne peux pas imaginer qu’il suffise d’envoyer des bataillons de police ou de gendarmerie.

Et je ne peux pas me faire à l’idée qu’il y ait deux jeunesses : l’une qui serait vouée à la réussite et l’autre condamnée à l’échec ou, pire, à la violence brute parce qu’au départ il n’y a pas les mêmes chances et qu’on n’a pas su encadrer à temps les enfants et les faire réussir à l’école comme le dit très bien Kerry James.

J’aurai prochainement l’occasion de dire avec plus de précisions en appui sur les associations, AC Le Feu, Parlement des Banlieues, dans les Banlieues ce que demain l’Etat fera.

Je sais que je réussirai à trouver des solutions et à empêcher de nouvelles explosions. Parce qu’au plus profond de moi, si je suis présidente de la République, je veux réaliser pour chaque enfant né ici ce que j’ai voulu pour mes propres enfants.

Je veux une nouvelle donne avec tous les jeunes de France.

Mais quand j’entends Karim, de Toulon, m’expliquer qu’il ne comprend pas pourquoi il doit subir, plusieurs fois par jour, les contrôles d’identité, je me dis qu’il n’exprime pas si mal que cela cette part du mal français qui le touche et qu’il m’incombera, avec vous tous, de traiter ! .

Je veux lutter farouchement contre les discriminations et les humiliations.

Je veux une France qui s’accepte telle qu’elle est devenue et qui considère même que c’est une chance d’être désormais ainsi : riche d’histoires diverses, colorée, métissée.

Je veux une France qui reconnaisse comme ses enfants légitimes tous ceux dont les familles sont venues d’ailleurs et qui sont aujourd’hui des Français à part entière et dont les parents et les grands parents ont donné leur vie pour nos libertés.

Du fond du cœur, je vous le redis : la France a besoin de vous ; vous êtes la chance de la France ; je veux une France qui vous écoute, une France qui vous comprenne et une France qui, en même temps, soit exigeante envers vous.

Je veux une France qui entende ce que lui dit Diam’s dans « Ma France à moi » : « Il ne faut pas croire qu’on la déteste, mais elle nous ment (…). Ma France à moi leur tiendra tête jusqu’à ce qu’ils nous respectent ».

Je ne veux plus entendre parler de deuxième, troisième ou quatrième génération pour certains enfants d’immigrés alors qu’on ne le fait jamais pour ceux dont les familles sont originaires d’Europe.

J’ai entendu aussi les graves problèmes de santé des jeunes. Et ce désarroi me paraît totalement inconcevable dans un pays comme le nôtre.

Je propose la gratuité totale des soins pour les moins de 16 ans. Je propose la mise en œuvre d’une carte santé jeune 16/25 ans. Je souhaite que la contraception soit gratuite pour les jeunes femmes de moins de 25 ans afin de lutter contre les grossesses précoces. Je propose de renforcer les moyens de la médecine scolaire et universitaire. Toutes ces actions entraîneront des économies dans les dépenses de santé car la prévention dès le plus jeune âge est très efficace.

C’est sur les jeunes aussi que je compte pour protéger la planète car c’est pour vous et la génération qui vient que nous devons agir.

Je veux faire de la France le pays de l’excellence environnementale. C’est pour moi une conviction profonde et ancienne qui remonte à mon enfance rurale et consolidée dans mon action de Ministre de l’environnement.

Vous ne voulez plus, et moi non plus, de cette irresponsabilité qui détruit la planète, qui laisse la biodiversité s’épuiser, qui ne prépare pas l’après-pétrole. Vous m’avez fait part de vos alarmes. Vous avez raison. Le réchauffement planétaire est une menace sur le monde et sur la paix : déplacement massif de populations, accès à l’eau potable. Je ferai de cette cause une grande cause nationale pour la France.

J’engagerai la France dans la voie de l’excellence environnementale comme cela n’a jamais été fait. 100 000 emplois, non délocalisables peuvent être créés. Un investissement massif dans l’environnement conduira à développer de nouveaux métiers, de nouvelles compétences, Dans le domaine du bâtiment, des transports, de l’agriculture, l’essor des écoproduits et des écoprocédés sera un moteur de l’activité et de la croissance durable. Tout comme les bio-carburants pouvant créer de nouveaux emplois.

Le défi environnemental doit être vu comme une chance. A condition d’anticiper plutôt que subir les mutations. Là aussi, il y a deux logiques : celle du laissez-faire, du libéralisme, qui vise le profit immédiat et nous prépare au pire. Ou celle de la volonté, qui relève les défis, pour laisser à nos enfants une planète vivable et qui applique le principe pollueur-payeur, empêche la destruction de biens collectifs publics.

Je vous propose :

- un plan de développement massif des énergies renouvelables pour qu’elles représentent 20 % de la consommation d’énergie en 2020, ce qui permettra de réduire la part du nucléaire ; ce plan de développement national s’appuiera sur une politique commune européenne de l’énergie ;

- une fiscalité écologique qui encourage les bonnes pratiques ;

- de favoriser les économies d’énergie dans le logement. Tout permis de construire devra intégrer les énergies renouvelables.

J’ai développé tous ces sujets à Montluçon avec un plan d’action très précis.

Une agriculture assurant une alimentation de qualité et respectant l’environnement est aussi à notre portée.

Nous pouvons surmonter la crise de confiance entre nos concitoyens et leur agriculture, née des crises alimentaires et des abus d’engrais et de pesticides. Je veux redonner aux agriculteurs la fierté de leur métier Il faut aujourd’hui produire autrement : la qualité doit primer sur la quantité ; l’environnement doit respecté et les paysages préservés et ceux qui font ces efforts doivent recevoir davantage d’aide car ils agissent pour l’intérêt général.

Je proposerai à nos partenaires une refondation de la politique agricole commune pour réorienter les aides vers le développement rural, en modulant les primes et en assurant leur transparence.

Cette réorientation de la PAC doit permettre à l’Europe de se nourrir par elle-même et aux paysans de vivre dignement de leur travail tout en maintenant nos identités rurales vivantes. De nouveaux emplois et une nouvelle fierté rurale sera développée grâce aux biocarburants et à la valorisation de la biomasse, au développement de la filière bois et de la bio construction.

Pour mettre en œuvre toutes ces réformes, nous avions besoin d’institutions impartiales, qui fonctionnement et qui répondent aux besoins de notre temps. C’est pourquoi je vous propose une République Nouvelle.

Des réformes profondes doivent être faites pour moderniser les institutions.

Du côté du parlement et de la démocratie représentative, le mandat unique sera instauré, le Sénat réformé, le pouvoir de contrôle du Parlement sera renforcé et le 49.3 supprimé.

Je veux aussi que l’opposition soit respectée même si cela n’a guère été le cas au cours de ces cinq dernières années.

Pour rééquilibrer le rôle de la majorité et de l’opposition, et pour permettre un dialogue constructif au sein du pays, la présidence de la commission des finances de l’Assemblée Nationale sera confié à un député de l’opposition.

Démocratie participative : les citoyens pourront faire examiner par le Parlement une proposition de loi qui aura recueilli 1 million de signatures. Le développement des jurys de citoyens et des budgets participatifs sera encouragé et le référendum d’initiative populaire instauré.

Démocratie sociale : pour faciliter le développement d’un syndicalisme beaucoup plus représentatif, un crédit d’impôt sera accordé pour les cotisations syndicales. La représentativité sera fondée sur l’élection et le principe majoritaire mis en œuvre pour les accords sociaux.

Je veux que la France se modernise dans la qualité de ses relations sociales. Tout le monde doit y gagner, entreprises, salariés et avec le pays tout entier dans une logique de cercle vertueux qui met fin aux logiques d’affrontement et qui permet des compromis sociaux qui nous permettront d’être plus forts.

Dans les 6 mois qui suivront l’élection présidentielle, je consulterai le peuple français sur ces propositions de réformes démocratiques de nos institutions.

Outre-mers

Je me suis rendue à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe et je n’oublie pas les autres outre-mer dont la culture, me le rappelait Aimé Césaire, est aussi la nôtre.

Je veux une République, de la reconnaissance et de la responsabilité. Et des politiques publiques qui tiennent compte de leur identité, de leur diversité et des problèmes de la continuité territoriale.

L’histoire des outre-mers n’est pas périphérique : c’est notre histoire commune. L’esclavage et la colonisation en font partie et doivent trouver toute leur place dans nos programmes scolaires ainsi que les grandes œuvres littéraires et historiques, Louis Delgresse, Frantz Fanon, La Mulâtresse Solitude, Aimé Césaire.

Je veux que la France revienne à la table de l’Europe et je ferai tout pour cela.

L’Europe doit rester la grande ambition et la grande réalisation du XXIème siècle. Je sais que vous le voulez comme moi. Mais, je sais aussi que, comme moi, vous ne voulez pas n’importe quelle Europe, vous me l’avez dit dans les débats. Je ne veux pas d’une Europe qui ne serait qu’une zone de libre échange adossée à l’OTAN. Je veux encore moins d’une Europe de tous contre tous où le dumping fiscal et social remplace la solidarité, et dans laquelle la concurrence sert de projet de société. L’Europe que je veux doit élever le niveau de tous les pays et de chaque individu, et non les abaisser.

L’Europe doit se fixer comme objectif une croissance dynamique et créatrice d’emplois

Je veux relancer des politiques communes sur les enjeux majeurs que nous affrontons. En Europe, comme en France, la croissance naîtra de l’investissement dans la recherche, dans l’innovation, dans les énergies renouvelables, dans les transports.

L’Europe doit se battre aussi pour une politique industrielle, à l’instar de ce que font les Etats-Unis et les grands pays émergents. L’Europe ne doit plus s’abandonner au seul dogme de la concurrence. Airbus n’aurait pu être lancé si la doctrine actuelle de l’Europe avait été applicable en 1970…

Pour réussir cela, les outils actuels ne sont pas adaptés. La croissance et l’emploi doivent être inscrits dans les statuts de la Banque centrale européenne . Il faut mettre en place un gouvernement économique de la zone euro » pour une politique de croissance coordonnée

Le Pacte de stabilité ne doit pas servir à freiner la croissance mais à la stimuler. Je propose de sortir du chiffrage du déficit les dépenses consacrées à la recherche et à l’innovation.

Nous accumulons un retard très inquiétant qui risque d’être ravageur, face à l’Inde et à la Chine. Il est temps, j’allais dire, de passer aux choses sérieuses.

Je veux une Europe qui protège ses citoyens et les aide à tirer profit de la mondialisation

Il n’est pas supportable de voir des entreprises faisant des bénéfices délocaliser leur production. L’Europe doit se protéger et nous protéger. Avec moi elle fera reconnaître le respect des normes sociales et environnementales dans toutes les négociations de l’OMC.

La concurrence déloyale est encore moins supportable à l’intérieur de l’Europe. Je proposerai l’instauration de taux planchers en matière d’impôt sur les sociétés pour freiner les délocalisations fiscales.

De même, je proposerai à nos partenaires la négociation d’un protocole social pour renforcer les droits des travailleurs.

L’Europe devra s’atteler au dialogue avec la Méditerranée et mettre enfin en place des politiques de co-développement.

C’est la meilleure façon d’endiguer l’immigration illégale et lutter contre les mafias qui l’organisent. Décourager les migrations de la misère, c’est soutenir le développement des pays pauvres, en réduisant les écarts entre Nord et Sud. C’est notre devoir.

Le co-développement sera donc mon objectif. L’aide publique sera radicalement réformée et réorientée vers les circuits courts, la santé, l’éducation, l’énergie solaire, les associations de femmes, le micro crédit, comme je l’ai vu au Sénégal, et cessera d’alimenter les gouvernements corrompus.

Cela me conduit à vous dire comment je conçois le rôle de la France dans le monde et la façon dont j’entends lui faire tenir son rang.

La France c’est un paysage que nous aimons, c’est aussi une grande Histoire, certes pas uniforme, mais avec des moments sublimes, quelquefois des abîmes et, en arrière-plan, la grande lumière jamais éteinte de la Révolution française.

C’est également une langue dont Fernand Braudel nous a enseigné la part qui est la sienne dans la construction de notre identité. N’oublions jamais la dimension de la francophonie. Il y aura, en 2050, trois cents millions d’hommes et de femmes qui parleront français ! Je souhaite qu’il y en ait davantage. Bien davantage. Je souhaite une France qui parle, dans sa langue, sa propre langue, au monde.

Car la France c’est plus que la France. La France c’est ce drôle de pays qui, comme disait André Malraux, n’est jamais aussi grand que lorsqu’il l’est pour tous les hommes. La France ce sont des valeurs exigeantes et belles proclamées par la Révolution française. La France ce sont des valeurs universelles qui nous obligent et que nous devons porter haut pour ne pas décevoir ceux qui ont foi en nous. L’Histoire de France est une Histoire vivante. C’est une histoire qui, parce qu’elle est vivante, doit continuer de parler au monde.

Le monde… Nous savons tous ce qu’il en est : la mondialisation, les échanges, les influences croisées et fertilisantes, mais aussi le tohu-bohu, l’iniquité, le malheur, les crimes de masse, les guerres. Je ne veux pas d’une France qui aurait la tentation de s’éloigner de la scène, de renoncer, de laisser faire. Je ne veux pas d’une France qui laisserait ce monde se casser, éclater en morceaux, en blocs de vie et de pensée hostiles les uns aux autres. Je ne veux pas d’une France qui se résignerait à sortir de l’Histoire.

Allons-nous rester là, spectateurs muets, apeurés, bientôt victimes ? Avons-nous quelque chose à dire, encore, au monde ? Avons-nous quelque chose, encore, à lui apporter ? Les Français le croient. Les Français le veulent. Je le crois et le veux avec eux.

Les fins de la politique de la France, si je suis élue, seront simples et fidèles à notre vocation la plus haute : la paix, bien sûr ; la sécurité pour les Etats ; mais aussi la justice pour les peuples et le développement pour tous.

La paix ? Elle n’est possible que fondée sur l’équilibre d’un monde multipolaire. C’est pourquoi tous les efforts visant à faire redémarrer l’Europe et à en faire une puissance également politique seront poursuivis avec une ardeur particulière. C’est pourquoi tout sera fait pour remédier au déséquilibre des puissances qui est la règle d’aujourd’hui dans nos rapports avec nos partenaires et alliés. Et c’est pourquoi, aussi, la France, si je suis élue, pèsera de tout son poids pour que soit respecté le droit international. Celui-ci existe. Il n’est que de l’appliquer. Nous réclamerons de nos meilleurs amis que les résolutions du Conseil de Sécurité soient mises en œuvre, que les grands traités du désarmement, de l’environnement, soient respectés. La France et le Royaume-Uni ont la lourde responsabilité d’être membres permanents du Conseil de Sécurité. Nous y jouerons tout notre rôle, à l’écoute certes de nos partenaires européens mais aussi de tous les pays prêts à travailler avec nous. Le multilatéralisme, c’est la mobilité de l’action au service des principes que les Nations Unies ont fixés.

Veiller à la sécurité de tous, c’est aussi donner l’exemple. Et c’est pourquoi nous continuerons à déployer des forces au service du droit, s’il le faut, en Afrique comme au Proche-Orient.

La Justice pour les peuples exige que nous parlions fermement, en toutes circonstances, devant nos alliés, nos amis et en agissant dans toutes les instances où se bâtit aujourd’hui la justice internationale.

Le développement implique que la France, qui fut l’une des premières à plaider pour l’aide publique, ne se paie pas de mots. Nous sommes tous terriblement en retard sur nos engagements à l’égard des pays défavorisés. Il faudra redoubler d’efforts. Il faudra que la France indique le chemin à tous ceux qui s’accommodent à bon compte des promesses non tenues et des inégalités criantes.

Le réalisme, c’est aussi choisir des priorités. Nous regarderons d’abord devant notre porte, et je vais vous surprendre : notre porte, c’est l’Afrique :

L’Afrique est notre voisine. Elle est là, cette Afrique à laquelle m’attachent tant de liens. Elle est là, vivante, dynamique, mais accablée de maux et de tensions. Chaque Africain qui parvient à nous rejoindre en témoigne. Et il ne comprend pas qu’après tous nos beaux discours, nous tournions la tête et nous barricadions. Il ne comprend pas, parce que l’avenir, qui appartient aujourd’hui aux Chinois et aux Indiens encore oubliés, écartés, voici moins de vingt ans, appartiendra peut-être demain à son frère, à son fils, un Africain.

De quoi souffre l’Afrique ? D’une économie mondiale absolument débridée qui ne laisse aucune chance à des productions agricoles fragiles et incapables de rivaliser avec les politiques de pays bardés d’atouts financiers et technologiques. Un peu de bon sens, un peu de justice, recommanderaient que l’on remette un peu d’ordre sur les marchés, que des avantages soient laissés aux pays les plus pauvres, que des préférences – il faut le dire – soient accordées par l’Europe à l’Afrique, quitte pour celle-ci, en échange, à savoir orienter ses achats vers l’Europe. Organisons, d’Europe vers l’Afrique et de l’Afrique vers l’Europe, des relations favorisées et équitables.

De quoi souffre la démocratie africaine ? D’un jeu trop brutal des alternances. Du poids des oligarchies. De la corruption de certaines élites. Et je n’oublie pas cette honte que fut, à la toute fin du XX° siècle, le génocide des Tutsis au Rwanda : un crime contre l’humanité ; une insulte à l’humanité de l’homme ; un deuil pour le monde. Ni enfin, aujourd’hui, la tragédie du Darfour que la communauté internationale a sans doute le moyen de stopper : pourquoi ne le fait-elle pas ? pourquoi la France, la grande France, celle des internationalistes qui ont fondé notre parti, celle des Républicains qui croient que nous avons, sur la scène du monde, un rôle particulier, ne fait-elle pas pression pour que s’arrête le massacre ?

L’Afrique est à la portée de la France et de l’Europe. Elle est à notre heure. Je veillerai à ce que celle-ci soit saisie et gardée. Il ne s’agira pas de manifestations éphémères, de cérémonies d’un jour, de tournées à bride abattue mais d’un effort opiniâtre sur pied égal avec les Africains, dirigeants ou non.

Notre voisin, c’est aussi, bien sûr, le Proche et Moyen-Orient. On plaidera pour des conférences. Je dis oui, naturellement. Mais je plaiderai surtout pour le réalisme et l’ambition. La paix au Proche-Orient suppose deux aspirations indissociables et également impérieuses : celle de la justice, celle de la sécurité. Il faut rendre justice aux Palestiniens. Mais il faut garantir la sécurité d’Israël et la vie de tous ses citoyens. L’objectif n’est pas inaccessible. Les Palestiniens modérés, démocrates, partisans du compromis, existent et refusent de se taire. Les Israéliens favorables au partage de la terre sont une majorité ; ils ont des familles, des enfants, dont le destin passe par une paix durable et garantie. L’Europe peut peser en faveur de cette paix. La France, au sein de l’Europe, a l’autorité nécessaire pour rappeler les principes. Voyez, au Liban, notre participation à l’effort de la FINUL. Persévérons. Et, avec les autres, renouons le dialogue avant qu’il ne soit trop tard. Je pense à la Syrie et même à l’Iran Je me suis prononcée, vous le savez, pour la plus grande fermeté vis-à-vis du régime iranien en place et de ses provocations répétées ; mais cela ne me dissuadera jamais de maintenir le dialogue avec une population qui espère et croit en nous,

Nos partenaires ce sont bien sûr les autres membres permanents du Conseil de Sécurité : Chine, Russie, Etats-Unis. A nous de savoir comment travailler au mieux avec eux. La Chine est autre chose qu’un géant économique. Ce sera bientôt un géant politique. Je voudrais que la France fût l’une des premières à percevoir cette montée en puissance de la Chine, et en tire toutes les conséquences. Mais je voudrais aussi qu’elle soit à la pointe de la vigilance sur le non respect des droits humains en Chine. La démocratie est un bien commun. La démocratie, ce ne sont pas des valeurs réservées aux uns et interdites aux autres. Voilà ce que j’aurai à cœur, si je suis élue, de rappeler à mes partenaires chinois comme je l’ai déjà fait. Une France attentive, mobile, doit guetter chaque signe de mouvement et tenter de l’infléchir. La France que j’aime et à laquelle je crois doit se montrer intraitable dans la défense des valeurs liées à sa tradition d’humanisme et de Lumières.

Autre réalité : la Russie. Des liens séculaires, et très forts, nous unissent à la Russie. Nos peuples, nos deux peuples, ne se connaissent pas toujours assez mais se respectent. Et la Russie, d’ailleurs, appartient de plein droit, j’en suis intimement convaincue, à l’espace de la civilisation européenne. Raison de plus pour lui tenir, elle aussi, le langage de la vérité. Raison de plus, comme l’Allemagne nous en donne l’exemple, pour trouver le ton juste, lui dire ce qui ne va pas, lui manifester, sans chipotages, notre conviction qu’elle est européenne mais que, parce qu’elle est européenne, un certain nombre de valeurs s’imposent à elles. L’Europe a besoin de la Russie et la Russie de l’Europe. Je serai la Présidente de ce lien renforcé. Et je serai, aussi, une Présidente intraitable quand il s’agira de dénoncer les abus de droit, les entorses aux droits de l’homme, voire les crimes de guerre en Tchétchénie ou l’assassinat, en plein Moscou, de cette femme d’exception, honneur de sa profession, que fut la journaliste Anna Politkovskaïa.

Partout où nous agirons, les Etats-Unis, bien sûr, ne seront pas loin. Ils sont là, puissants, amicaux, généreux et aussi, comme l’histoire récente l’a montré, emportés parfois jusqu'à l’erreur par le poids même de leur puissance. Nous vivrons avec eux, en partenaire solide, fiable, mais sans complexes non plus. La taille n’a rien à faire avec les principes. Le déséquilibre des puissances n’est jamais une raison de se taire – et on l’a bien vu, n’est-ce pas, à propos de l’Irak. La voix de la France, en l’espèce, ne fut, hélas, pas entendue. Mais elle n’en sonna pas moins juste. Et je voudrais, à l’avenir, qu’elle continue de sonner juste. Je voudrais qu’en parlant plus haut, et plus vrai, notre voix porte plus loin.

Ce respect des avis d’autrui qui manqua si tristement dans la guerre du Moyen-Orient, cette écoute de l’autre, j’en ferai la règle de notre conduite. Je veillerai à tenir compte de ce que pensent, non seulement les membres permanents du Conseil de Sécurité, mais les pays émergents, ces nouvelles puissances qui ont les moyens de leurs ambitions et qui, tôt ou tard, sauront se faire entendre. Nous savons la force de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du Sud qui rejoignent ces autres piliers de la scène internationale que sont le Japon ou le Canada… Tous aspirent à modeler l’avenir, à ne pas laisser le monde entraîné par le seul mouvement de l’économie. Ils sont nos meilleurs alliés. Ils seront nos vertueux complices dans la volonté de réinventer les règles du jeu valant dans le concert des nations.

On nous dit que les Etats s’affaiblissent, que les nations s’évanouissent, que triomphent les grandes compagnies, que le Marché est le seul roi. C’est tout le contraire que montre la scène du monde. Et la France, en tout cas, ne craindra pas, je vous l’annonce, de tenir le rang qu’elle doit à son histoire. Elle agira sans humilité et sans arrogance. Mais elle tiendra son cap. Et elle affirmera ses principes.

Une chose que j’ai comprise, pendant ce temps où je me suis mise à l’écoute des Françaises et des Français c’est qu’ils aiment la France.

Et, comme ils l’aiment vraiment, ils l’aiment grande, ouverte, accueillante aux opprimés, soucieuse de la misère du monde.

C’est ce souci, aussi, que je veux porter.

C’est à ce message que je veux être fidèle.

On dit les Français égoïstes, repliés sur eux-mêmes, leurs petits soucis. Tout dépend de ce qui leur est proposé.

Car notre peuple est, aussi, un peuple généreux.

C’est le peuple qui a inventé les Médecins sans frontières et les Médecins du Monde.

C’est l’un des peuples où le mouvement associatif est le plus vivant.

Je serai la Présidente de cette République-là, celle où l’on sera sans indulgence pour les dictateurs, quelle que soit leur couleur politique.

Cette République là où l’on sera implacable avec les purifications ethniques, les génocides, cette honte pour le genre humain. Je rêve d’une France qui, encore une fois, retrouvera sa vocation qui est de parler à tous et de le faire au nom de l’Universel et de ses valeurs.

Cette France, nous allons la faire, celle qui, sur la scène du monde aussi, travaillera à instaurer un ordre juste.

Je compte sur chacun d’entre vous pour porter juste, haut et fort cette parole.

Vivre la République !

Vive la France !