“Oui, la gauche aime la jeunesse fiévreuse, qui se lève et qui défend le principe d’une société solidaire, celle qui fait reculer la droite sur le CPE hier, la jeunesse à fleur de peau, celle qui se dresse contre toutes les formes de discrimination, celle qui se sent citoyenne du monde et pas moins française pour autant, celle que toutes les inégalités révoltent, que tous les conformismes exaspèrent et que tous les mensonges indignent.”
Vous lirez ci-dessous le discours prononcé par Ségolène ROYAL à Grenoble le 1er février dernier, en conclusion d’un débat participatif consacré à la jeunesse.
Chers amis, ce soir, à Grenoble, à vous et à travers vous, c’est à la jeunesse de France que je m’adresse, à toute une génération.
Je vous dirai la vérité car, de toutes les démagogies, la plus insupportable est celle qui ment aux jeunes. Et de toutes les droitures, la première est celle qui consiste à dire la vérité aux jeunes.
Et comme vient de le dire l’une d’entre vous, la jeunesse a la volonté et elle attend que les politiques balisent. Alors, ce soir, posons ensemble les balises de la France que nous voulons construire ensemble !
Jadis, un très jeune philosophe, Paul Nizan, qui mourut sous les balles des nazis, a écrit, dans Aden Arabie : « J’avais vingt ans ; je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. Tout menace de ruine un jeune homme » – j’y ajoute « une jeune fille » : « l’amour, les idées, la perte de sa famille, l’entrée parmi les grandes personnes. Il est dur de prendre sa place dans le monde ». Les mots ont vieilli, mais ils nous disent encore avec assez de force que ceux qui idéalisent la jeunesse, en général, lui mentent. Ceux qui idéalisent la jeunesse, en général, sont d’ailleurs ceux, souvent, qui la dénoncent comme cause de tous les problèmes. Car si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui l’ignore ou qui la frappe a toujours tort.
On le sait bien : vous, les jeunes, vous possédez un sentiment profond de la vie, le sens du tragique et le sens de la fête. Je crois que la jeunesse est à la fois angoissée par le doute sur son avenir – on vient de l’entendre, encore, ce soir – mais aussi portée par la passion de l’espérance – et ça aussi, nous l’avons entendu ce soir.
Alors, qu’est-ce qu’une femme socialiste, candidate à la Présidence de la République, peut vous dire ce soir qui ne soit pas convenu et qui ne triche pas avec vous ? Qu’elle sait tout, que tout vous sera donné sans effort ni travail ? Vous ne me croiriez pas et vous n’aimeriez pas. Alors, quoi ? Que lui promettre, à la jeunesse ? Avant de vous promettre, je voudrais vous demander quelque chose : j’ai besoin que vous gardiez intacte votre goût du combat, vos colères et vos refus. J’en ai besoin, car la France a besoin de votre capacité d’indignation, de mobilisation et d’imagination.
Oui, la Gauche aime la jeunesse fiévreuse, qui se lève et qui défend le principe d’une société solidaire, celle qui fait reculer la Droite sur le CPE hier, la jeunesse à fleur de peau, celle qui se dresse contre toutes les formes de discrimination, celle qui se sent citoyenne du monde et pas moins française pour autant, celle que toutes les inégalités révoltent, que tous les conformismes exaspèrent et que tous les mensonges indignent.
Aujourd’hui, en vous imposant dans le débat, comme vous l’avez fait et comme vous devez continuer à le faire, vous défendez les valeurs qui sont les vôtres, vos convictions et vos aspirations. Les grands combats de la jeunesse ont toujours produit les plus belles avancées. Je sais que, là aussi, je peux compter sur vous.
La jeunesse de la France à laquelle je m’adresse ce soir est celle pour qui la République n’est pas seulement un concept abstrait, mais un engagement vivant ; celle qui met sous sa garde, dans les écoles, les enfants étrangers sans papiers menacés d’expulsion ; celle qui lance des chantiers humanitaires aux quatre coins du monde ; celle qui maintient une vigilance et une solidarité intacts contre le SIDA, fléau cruel pour tous, mais encore plus injuste pour les jeunes, vous me l’avez souvent dit sur le site Désirs d’Avenir et dans les débats participatifs auxquels nombre d’entre-vous ont pris part. Comme l’a dit l’un d’entre eux le 25 janvier : « être jeune, c’est souvent être inquiet », c’est être cerné « de discours de terreur et de discours culpabilisants ». Avec beaucoup de lucidité, il ajoute : « la non-émancipation est peut-être l’une des causes de la violence ».
Et puis, je voudrais vous dire que je compte sur vous pour être les citoyens d’Europe, beaucoup plus que la génération précédente. Je crois à cet engagement pour l’Europe, mais elle reste à définir et à construire et je connais votre vigilance et vos refus. Je compte sur vous pour construire cette Europe, celle qu’aujourd’hui, font vivre les élèves et les étudiants dans les lycées et les campus de l’Union européenne, en créant ces dizaines de milliers de liens familiers, amicaux, affectifs et humains qui permettront, demain, de donner un nouveau souffle à l’Europe que nous voulons.
Je voudrais vous dire que j’ai reçu, j’ai compris ce que vous me dites dans les débats et sur les sites Internet. Vous ne voulez plus être otages du quotidien, vous voulez un avenir : moi aussi, et nous allons le construire ensemble !
Vous ne voulez plus survivre : vous voulez vivre. Moi aussi, et nous allons le faire ensemble !
Vous ne voulez plus subir un système froid, cynique, égoïste et calculateur : vous voulez construire une nouvelle France et nous allons la faire ensemble !
Cette élection est un choix de civilisation entre l’humanisme et l’égoïsme, entre la fraternité créative et la concurrence destructrice, entre le respect pour chacun ou la guerre de tous contre tous. Alors, je veux contribuer à vous ouvrir une perspective. Je veux que nous bâtissions ensemble une nouvelle donne avec la jeunesse de notre France, que nous aimons !
C’est vrai : 2007 ne doit pas être une élection pour rien. Par respect pour vous – un beau mot que celui de « respect », qui revient si souvent dans les textes de rap –, par respect pour celles et ceux qui vont souvent voter pour la première fois, par respect pour celles et ceux qui se sont mobilisés pour que vous vous inscriviez sur les listes électorales, je n’accepterai pas – et vous non plus – que le débat soit dévoyé, escamoté par le jeu de pièges, de manœuvres subalternes, d’harcèlements injurieux ou illicites.
Ce que nous construisons ensemble à travers des milliers de débats, ce que je veux porter au cours d’une campagne qui mobilisera des millions de Français, c’est le contrat d’avenir que nous voulons proposer aux Françaises et aux Français. Vous êtes venus massivement dialoguer sur les sites Internet, avec le Parti Socialiste, avec le MJS, avec la Ségosphère, avec Désirs d’Avenir : merci d’avoir pris la parole, merci d’avoir confié sans détours vos inquiétudes et vos attentes. Et encore une fois, ce soir, votre confiance m’oblige.
Et je voudrais vous dire qu’il n’y aura pas de nouvelle donne, qu’il n’y a pas de pacte entre générations sans une vision partagée de l’avenir. Je sais que certains désespèrent, se résignent face aux désordres et aux injustices, pensant qu’on ne peut rien faire. Et bien, moi, je suis venue vous dire : construisons ensemble les fondations d’une France accueillante à tous ces jeunes. Ouvrons-leur la porte car aujourd’hui, les portes et les fenêtres leur sont fermées. Je veux une France qui ouvre ses bras à tous ses enfants, d’où qu’ils viennent, de quelque quartier qu’ils habitent, quel que soit leur projet. Et cette France-là, il y a un immense chemin à parcourir pour que chacun s’y sente bien.
Et d’abord, connaître et exercer ses droits, entendre et remplir ses devoirs, pourvoir à ses besoins et assurer son bien-être sont les ressorts d’une société qui va de l’avant. De renoncement en renoncement, notre société demeure en manque d’idéal. Et pourtant, tout dépend de nous. Je vais vous faire une confidence : de qui dépend que les choses ne changent pas ? De nous ! Mis de qui dépend que les choses changent ? De nous, aussi ! Alors, avec vous et pour vous, les choses doivent changer, les choses vont changer en 2007 !
Je ne veux pas de cette société toujours plus violente où, comme me l’a dit l’un d’entre vous lors d’un débat, « une bonne partie des violences est engendrée par le manque de considération envers certains jeunes. Ils ne se sentent pas utiles à la Nation et ont, de ce fait, l’impression que la Nation ne fait rien pour eux, et donc, qu’ils ne lui doivent rien ». Et bien, moi, je ne veux pas de cette société qu’un autre nous prépare, cette société du « tous contre tous », cette société du « chacun pour soi ». Je ne veux pas d’un projet où la jeunesse est infantilisée, considérée comme une charge, voire comme une menace et même, comme un danger. Il y a ceux qui pensent que les jeunes sont un problème, qui n’en parlent qu’en termes de délinquance, qui ne cessent de les stigmatiser. Moi, je pense que les jeunes ne sont pas un problème : ils sont la solution à tous nos problèmes ! Car une société qui a peur de sa jeunesse est une société qui n’a plus confiance en elle, une société minée par la mauvaise conscience car elle sait qu’elle manque à son devoir d’hospitalité à l’égard de la génération suivante. Je veux, moi, une société qui vous fait confiance et pour cela, j’attends beaucoup de vous.
Voilà ce que disait, en décembre dernier, un jeune dans un débat participatif de Bretagne, comme, ce soir, l’une d’entre vous : « je connais une jeune diplômée qui a été nominée parmi les dix choisis pour le concours des jeunes créateurs de Dinard. Elle a eu des prix internationaux de design. Et quand elle cherche un emploi, on lui demande cinq à dix ans d’expérience, minimum. Cela fait qu’elle cherche depuis deux ans. En France, on ne tient pas compte du talent. Alors, toutes ses amies lui disent d’aller en Angleterre, en Italie, car il n’y a rien à espérer en France. Alors, quand est-ce que la France donnera un peu d’espoir à ses jeunes ? » Tout est dit et quand je lis ce message, quand je vous entends, je veux, pour la France, un droit au premier emploi pour tous les jeunes qualifiés et diplômés, car sans eux, la France ne pourra pas se redresser. Elle n’a pas le droit de gaspiller tous ces talents. C’est avec tous les jeunes qualifiés, diplômés, qui en veulent, qui veulent aller de l’avant et faire leurs preuves – et à tous ceux qui sortent sans qualification et sans formation, nous avons le devoir de leur en donner – mais toute cette énergie qui est aujourd’hui gaspillée, je veux que, demain, ce soit le carburant de la France, notre moteur écologique, car c’est de l’énergie renouvelable que vous avez. Alors, en avant avec cette énergie !
L’ascenseur social, comme le dit Jamel Debbouze, reste bloqué au sous-sol et ne dessert plus les étages du haut. Et le modèle que la Droite propose à nos enfants face aux grandes transformations du monde se résume à peu près à ceci : « sois compétitif, ne pense qu’à toi-même et surtout, tais-toi ! » Est-ce cela que vous voulez ?
Entre la génération des Trente Glorieuses et les « Cinq années piteuses », il y a parfois un fossé d’incompréhension et d’indifférence. Et je vous le dis ce soir : un ordre n’est pas juste, qui fait peser sur vos seules épaules les baisses d’impôts accordées, aujourd’hui, aux plus riches, car elles ne sont rien d’autre que les dettes de demain, qu’il vous faudra acquitter. Un ordre n’est pas juste, qui vous lègue un système de protection sociale qui protège de moins en moins. Ce n’est pas un ordre juste que de laisser perdurer des inégalités qui ne cessent de s’aggraver tout au long de la vie, de l’enfance à l’âge de la retraite, selon que l’on est né à Neuilly ou à Vaulx-en-Velin. Pourquoi, et au nom de quelle loi écrite ou de quelle sentence secrète, Pierre ou Paul aurait-il plus de chances que Djamila ? Un ordre n’est pas juste lorsqu’à diplôme égal, les femmes, les jeunes filles gagnent encore vingt à trente pour cent de moins que les garçons. Ca, je dis que le pacte social est rompu et que nous le rétablirons !
Un ordre n’est pas juste, qui considère les enfants de la République inégaux en droits tout en leur imposant les mêmes devoirs. Et ne pas entendre cette revendication bloque l’avenir de toute une génération, pour qui la justice, la dignité et l’égalité sont devenues les aspirations vitales, et la surdité devant cette demande légitime, déjà un cri de souffrance dans les quartiers ou dans le milieu rural isolé, est synonyme de désordre et d’injustice. Je ne peux pas m’y résoudre : il ne suffira pas d’envoyer tous les bataillons de police ou de gendarmerie, cela n’y changera rien, sinon que nous aurons plus de violence encore, des frustrations, des humiliations et des tensions. Car on sait bien que, dans les banlieues où les révoltes se sont levées en 2005, rien n’est réglé. Par les mots de la provocation, rien n’est réglé. Au contraire : la situation se dégrade.
Le couvercle a été mis avec l’espoir qu’il tienne jusqu’à l’élection, à moins que l’organisation de la sécurité devienne un argument de campagne pour faire peur dans la dernière ligne droite et frapper les esprits, complaisamment relayé par les médias amis du pouvoir, ceux-là même qui se demandent tous les jours si je vais tenir et s’il ne faudrait pas changer de candidate. J’entendais ça ce matin. Alors, ces médias amis du pouvoir, qui relaient tous les coups, tous les pièges, tous les chausse-trappes, je leur dis, ce soir, qu’avec vous, nous n’avons pas peur et que nous resterons debout !
Oui, nous resterons debout et nous combattrons, parce que nous avons aussi à réussir des combats de vérité. Je pense à Bouna, à Zyed et Muhittin, à ces jeunes électrocutés de Clichy. Et je dis à leurs familles que nous n’aurons de cesse que la vérité soit connue dans la tragédie qui a pris leur jeune vie, au-delà du mensonge du Ministre de l’Intérieur.
Car il n’y a pas, pour moi, deux jeunesses, l’une qui serait vouée à la réussite et l’autre – qu’elle se débrouille –, condamnée à l’échec. Il n’y en a qu’une : la jeunesse de France. Bien sûr, que les plus doués redoublent d’efforts, qu’ils soient les meilleurs. Mais cela ne suffit pas : je veux qu’ils tendent la main à ceux qui hésitent ou qui trébuchent, pour qu’ils prennent avec nous, tous ensemble, le chemin de la France qui se redressera. Et oui, vous avez raison de revendiquer votre droit à l’avenir. Et je suis candidate à l’élection présidentielle pour gagner ce pouvoir d’agir, mais surtout pour vous le rendre, pour que nous agissions ensemble !
La France de demain, c’est vous. Vous êtes les meilleurs experts de votre propre vie. Cette expertise citoyenne, que vous avez si bien exprimée, celle de Karim, de Toulon, qui ne comprend pas pourquoi il doit subir, plusieurs fois par jour, les contrôles d’identité, celle d’Elise, de Paris, qui doit cacher qu’elle est enceinte à ses futurs employeurs lors de ses entretiens pour espérer décrocher une emploi, celle de ces étudiants qui travaillent la nuit pour étudier le jour, celle de ces jeunes chefs d’entreprise qui innovent, qui créent et qui, pourtant, doivent cautionner sur leur patrimoine propre les découverts et les emprunts de l’entreprise car, parce qu’ils sont jeunes, et tout simplement parce qu’ils sont jeunes, on ne leur fait pas confiance.
Ce sont ces enfants et petits-enfants de mineurs, d’agriculteurs et de salariés des grandes industries à qui l’on a dit : « rien ne sera plus comme avant » et qui demandent, sans succès, à « être aidés pour reconstruire l’après ». Ce sont ces milliers de jeunes qui croient en la valeur-travail mais qui, chaque jour, se rendent compte à quel point il est dévalué, il a été sapé par la précarité avec pour seul horizon, un stage non rémunéré, la précarité et l’incertitude.
Ce sont ceux qui ont érigé la précarité en norme de référence qui ont détruit la valeur-travail et qui n’ont plus, aujourd’hui, aucune légitimité politique pour la défendre. C’est nous qui la défendrons, parce que c’est le respect du salarié et du travailleur, la sécurité dans le contrat de travail, le salaire décent et durable qui constituent les fondamentaux de la valeur-travail et non pas le contraire. C’est la précarité qui tue la valeur-travail. Ce sont les bas salaires qui tuent la valeur-travail. Ce sont les salariés « jetés » qui tuent la valeur-travail. Ce sont les exonérations fiscales aux plus riches qui tuent la valeur-travail. Ce sont les rémunérations scandaleuses des hauts dirigeants d’entreprises et les stock-options qui sapent la valeur-travail. Ce sont les inégalités économiques et sociales qui sapent et qui gangrènent la valeur-travail. Alors, il nous appartiendra de la remettre debout, cette valeur-travail, de lui redonner tout son sens. Et pour cela, il faut mettre en avant l’investissement dans la valeur humaine, dans l’humain, et non pas dans le capital prioritairement. Et je le dis ici : je serai la Présidente de la République qui réalisera ce que la Gauche a souvent promis, mais jamais réalisé : faire en sorte qu’une bonne fois pour toutes, le travail soit moins taxé que le capital !
Et je veux, avec vous, une nouvelle ambition pour l’éducation. Aujourd’hui, notre système éducatif reproduit encore, souvent cruellement, les inégalités sociales et ne permet pas à tous d’acquérir les connaissances et les compétences auxquelles chaque citoyen a pourtant droit. De la maternelle à la fin des études, que ce soit dans les centres d’apprentissage ou à l’Université, beaucoup doutent de leur droit d’accès dans une société où l’incertitude professionnelle domine. La France doit investir massivement dans l’éducation : on ne peut plus supporter que cent cinquante mille jeunes sortent chaque année sans qualification du système éducatif. Et c’est le moment que la Droite choisit pour supprimer, à la rentrée prochaine, cinq mille postes d’enseignants dans le système scolaire, alors qu’il y a encore tant à faire. Donner à chaque jeune le bagage nécessaire pour affronter la vie professionnelle et la vie tout court est un objectif non négociable. Et si l’ambition républicaine d’égalité scolaire doit être enfin réalisée, l’excellence scolaire doit aussi être présente sur tous les territoires : des classes préparatoires aux grandes écoles seront implantées dans les quartiers où elles ont toujours été absentes et chaque lycée devra ouvrir à au moins cinq pour cent de ses élèves la possibilité d’entrer dans les classes préparatoires ou en Institut Universitaire de Technologie. J’en fais ce soir le serment. Cet engagement-là, il sera réalisé.
Et puis, c’est à vous, les jeunes, que je m’adresse pour préparer l’après-pétrole et engager les dépenses d’avenir qui protègeront notre planète. C’est pour votre génération que nous devons agir sans tarder et pour celles de vos enfants et de vos petits-enfants, qui nous demanderont des comptes sur nos négligences ou sur nos courages. Ensemble, il nous faut nous battre pour que, demain, notre air, nos eaux, nos forêts reviennent aux générations futures sans autre droit de succession que le devoir de les préserver. C’est cela, l’excellence environnementale et c’est vous qui en êtes les premiers acteurs. La réduction des inégalités Nord-Sud en dépend. C’est vous, les combattants de la réduction des inégalités entre les pays riches du Nord et les pays pauvres du Sud. C’est sur eux que va peser massivement le réchauffement de la planète. C’est là que se trouvent les foyers de guerres et de conflits, les déplacements massifs de populations à la recherche de l’eau potable et fuyant les zones qui se désertifient. Ce défi-là, nous avons à le relever, parce que nous ne nous sauverons pas tout seuls. Seule la façon dont nous saurons faire accéder au développement, à faire sortir de la pauvreté les pays les plus pauvres nous permettra de maîtriser les migrations de la misère. Nous ne les maîtriserons pas, ces migrations, avec des barbelés ou avec des policiers toujours plus nombreux aux frontières. Nous les maîtriserons grâce à un ordre international plus juste.
Et enfin, aussi, je veux une nouvelle donne avec la jeunesse quand l’état de santé des jeunes se dégrade. Un étudiant sur quatre renonce à des soins faute d’avoir les moyens d’aller chez le médecin. Aujourd’hui, la prévention est beaucoup trop faible, alors que la poly-consommation de drogues fait d’ores et déjà des ravages. Je veux la mise en place d’une carte santé jeune, pour que les jeunes puissent bénéficier de consultations médicales gratuites. Et parce que je pense que les grossesses précoces non désirées constituent une atteinte insupportable à la liberté des filles, je réaliserai la contraception gratuite pour toutes les jeunes filles jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans. C’est une exigence d’égalité, de liberté et de justice !
Je veux une nouvelle donne avec les jeunes pour le logement. Je l’ai dit tout à l’heure : trois cent mille jeunes sont contraints de rester chez leurs parents parce qu’ils ne trouvent pas de logement. Je crois que l’accès à l’autonomie est le fondement essentiel pour avoir le droit, à son tour, de construire une famille. Et donc, ce besoin fondamental, cette liberté fondamentale, nous devrons la réaliser dans le cadre de cette nouvelle donne.
Et je veux aussi une nouvelle donne avec la jeunesse pour que dans les entreprises, dans les partis politiques, dans les syndicats et dans les associations, vous puissiez réellement exercer des responsabilités à la mesure de vos engagements.
Je veux une nouvelle donne avec la jeunesse, un nouveau contrat moral et politique. La jeunesse, ce n’est pas la variable d’ajustement, première embauchée lorsque l’économie repart, première licenciée lorsque l’économie ralentit. Vous aspirez à prendre en main votre avenir. Vous le démontrez en animant des milliers d’associations à travers la France. Les jeunes veulent parvenir à l’autonomie pour construire eux-mêmes leur vie. Je l’ai dit tout à l’heure, je le confirme ici : je veux que cette aspiration à l’autonomie se concrétise. Car derrière cette aspiration, il y a une demande de reconnaissance. Derrière cette aspiration à l’autonomie, il y a une demande de dignité. Derrière cette aspiration à l’autonomie, il y a la revendication d’un droit à projeter sa vie dans l’avenir.
Alors, c’est le devoir de tout parent que de faire en sorte que ses enfants soient correctement éduqués, aimés et encadrés, avec la juste autorité dont ils ont besoin, et je le dis sans démagogie : ce qu’une génération doit à la suivante, c’est la limite. De même, c’est le devoir de toute société d’assurer un avenir meilleur aux générations suivantes. C’est cela que j’appelle, tout simplement, le droit à l’avenir. Ce droit à l’avenir que la folie néo-libérale détruit. Il n’est pas normal, en effet, que tant de jeunes diplômés exercent des emplois qui demandent des qualifications bien inférieures à celles dont ils disposent et qui, dès lors, prennent la place de ceux qui n’ont pas la chance d’avoir de si hautes qualifications et qui, donc, perdent les emplois qui leur sont destinés. C’est le « descenseur social ». Je veux stopper ce descenseur social et re-tirer l’ensemble des générations vers le haut, car c’est un gâchis énorme pour nos sociétés.
Oui, ce droit à l’avenir, nous allons le conquérir. Comme dans une course de relais, pour gagner, il nous faudra transmettre la flamme, en permettant à la nouvelle génération de commencer la course dans les meilleures conditions.
Je veux opposer une morale de l’action à ceux qui viennent de nous annoncer un nouveau contrat de travail qui n’est rien d’autre que le CNE ou le CPE généralisé. Non ! Il faut empêcher ça !
Vous êtes les enfants de la République. Pour que la République soit à la hauteur de son idéal et des attentes de tous ses enfants, notre histoire doit être partagée et notre mémoire, commune. Au moment où Aimé Césaire rejoint notre combat, je m’adresse à votre génération qui n’a connu ni la colonisation, ni la décolonisation et qui, donc, sans complexe, pourra se retourner vers son histoire pour qu’elle soit celle de tous. Je l’ai déjà dit, je vous le redis solennellement ce soir, car c’est un engagement que je tiendrai : je veux une France qui s’accepte telle qu’elle est devenue et qui considère même que c’est une chance plurielle, diverse, colorée, qui s’en réjouisse et qui sache en tirer parti.
Je veux une France qui reconnaisse comme ses enfants légitimes tous ceux dont les familles sont venues d’ailleurs et qui sont aujourd’hui des Français à part entière, quoique toujours en butte aux discriminations et aux contrôles d’identité. Je vous le redis du fond du cœur : la France a besoin de vous, car vous êtes notre chance. Je veux un pays qui vous écoute, un pays qui vous comprenne, mais un pays qui soit exigeant envers vous, un pays qui vous épaule dans tout ce que vous entreprenez, sans démagogie, un pays qui entende ce que lui dit Diam’s dans « Ma France à moi » : « Il ne faut pas croire qu’on la déteste, mais elle nous ment (…). Ma France à moi leur tiendra tête jusqu’à ce qu’ils nous respectent ». Je ne veux plus entendre parler de deuxième, troisième ou quatrième génération pour certains enfants d’immigrés alors qu’on ne le fait jamais pour ceux dont les familles sont originaires d’Europe. Je ne veux plus entendre parler, sans arrêt, d’intégration, comme s’il vous fallait toujours administrer la preuve que vous n’êtes pas moins Français que les autres, alors que ce qui fait obstacle sur votre chemin, ce n’est pas un besoin de discrimination positive, c’est tout simplement un déficit d’égalité, donc un besoin, tout simplement, d’égalité réelle. C’est cela, le défi qu’il faut construire !
Je veux une France qui assume avec lucidité une histoire partagée, respectueuse de toutes les mémoires et accueillante à tous les siens. Une France fière de sa République et de sa laïcité quand elles correspondent à ces valeurs universelles qui nous permettent de dialoguer avec le monde, sans que de vieux relents de « mission civilisatrice » fassent subrepticement leur retour dans nos mots et dans nos attitudes.
Ni amnésie, ni repentance : je veux une France capable de porter un regard apaisé et de poser les mots justes sur son histoire ; capable de reconnaître l’esclavage pour ce qu’il fut : un crime contre l’humanité, sans effet bénéfique ; capable de reconnaître la colonisation pour ce qu’elle fit, sans effet bénéfique : dominer et spolier ; capable de reconnaître la part prise par la police de Vichy dans la rafle de Vel d’Hiv et dans la déportation des Juifs français.
Je veux que les enfants des harkis et ceux des militants du FLN, ceux qui vont à la synagogue, à la mosquée, au temple, à l’église, et ceux qui n’y vont pas, fassent vivre entre eux cette valeur de fraternité qui est le plus beau message de la République, en refusant tous les communautarismes. C’est à votre génération de refuser tous les communautarismes ! Ne l’oubliez pas, parce qu’en grandissant, les barrières se dressent, les limites s’installent, les manipulations trouvent leur place. La recherche de je ne sais quelle paix sociale pousse les gens à se replier sur eux-mêmes et sur je ne sais quelle communauté. C’est à vous de refuser cela, parce que c’est vous qui, à votre âge, avez encore la conscience du refus de ces barrières et la soif profonde de l’universalité des valeurs. Pour cela, je compte sur vous. Le combat ne sera pas facile, mais ce combat, il faudra le gagner, parce que la République en dépend, avec ses principes de liberté, d’égalité, de fraternité et d’universalité.
Je vous propose une nouvelle ambition contre tous les racismes et contre toutes les formes de rejet de l’autre sous le prétexte du handicap, de la couleur, de l’origine, de l’aspect physique, du genre ou des préférences amoureuses. Et je propose une justice des discriminations, pour que la justice soit réellement en capacité de sanctionner, et donc de prévenir, car si les sanctions étaient efficaces, les discriminations reculeraient. Pour sanctionner, donc, celles et ceux qui pratiquent quotidiennement ces insultes à la République. Je veux que chaque jeune Français soit en France chez lui et que chaque jeune qui aspire à venir en France pour y réussir soit aussi correctement accueilli. Je veux que chaque regard, quelle que soit sa couleur de peau, soit un signe de bienvenue.
Et puis, issu aussi des débats participatifs, vous allez peut-être penser que ce rapprochement est un raccourci : je pense aussi au droit à la mobilité. Quand je vois des jeunes arrêtés, sanctionnés, disqualifiés, marqués parce qu’ils ont conduit sans permis de conduire, alors qu’on sait que le permis de conduire, ça coûte cher et que ces jeunes n’ont d’abord pas les moyens de se payer le permis de conduire, je dis qu’au nom de ce droit fondamental, ce droit à la mobilité et ce droit à la sécurité, et bien, nous généraliserons au plan national ce qu’ont commencé à faire quelques régions socialistes, en commençant par les jeunes qui sont au premier niveau de la formation professionnelle, en commençant par les jeunes apprentis qui réussissent leur CAP : la République leur paiera le permis de conduire. C’est à la fois une récompense de leur effort d’avoir accédé à cette première qualification, et beaucoup de jeunes, dans les métiers manuels, ont, en plus, besoin de ce permis pour aller travailler. C’est à la fois une récompense de leur effort et un droit fondamental à la mobilité.
Tout cela, c’est le premier étage d’un dispositif d’ensemble : un modèle qui replace le citoyen, son autonomie et donc, sa dignité au centre de toute politique de l’emploi, et pas seulement pour celle des jeunes. Cela se prolongera avec le droit au premier emploi : je ne veux plus qu’un jeune qualifié ou diplômé reste sans rémunération et au chômage au-delà de six mois sans avoir, soit une formation complémentaire rémunérée, soit un emploi. J’appellerai les entreprises à exercer leur devoir, parce que tendre la main à un jeune qualifié ou à un jeune diplômé, c’est préparer la ressource professionnelle qualifiée de demain et il est de l’intérêt même des entreprises que de faire cet effort pour donner à tous les jeunes, ceux qui n’ont pas de piston, ceux qui n’ont pas de soutien, ceux qui n’ont pas de relations et qui, souvent, à diplôme égal, n’ont pas la chance de faire leurs preuves. Les entreprises devront se bouger pour faire en sorte que notre jeunesse ne soit plus gaspillée.
Enfin, je voudrais vous dire que ce que je veux, pour vous aussi, c’est la conquête de l’esprit d’entreprise, de l’esprit de création. Je veux que, partout, ces jeunes que je vois bien formés, parlant des langues, étant bien mieux formés que notre génération… Quand on nous dit, ici ou là : « le niveau du bac baisse » ou « le niveau des diplômes baisse », ce n’est pas vrai du tout ! Les jeunes dans le système scolaire, je les vois, je les compare par rapport à notre génération : et bien, vous êtes bien mieux formés, bien plus dégourdis, ouverts sur le monde, ouverts sur les autres, lisant la presse, allant sur Internet ; il y a un potentiel extraordinaire et jamais je ne tolèrerai que l’on continue à dire que les jeunes sont moins bien formés que lors de la génération précédente. Non seulement ils sont mieux formés, mais ils sont aujourd’hui moins bien rémunérés et moins bien accueillis dans le système économique. Et ça, ça n’est plus possible ! C’est cette France-là qu’il faudra remettre à l’endroit parce qu’aujourd’hui, elle marche à l’envers !
Un dernier mot avant de nous séparer, mais pour nous retrouver dans d’autres réunions.
Je vous invite à faire plus encore progresser la cause des jeunes, dans un pays qui re-tisse solidement les liens de respect, d’affection et de solidarité entre toutes ses générations. Je vous invite à changer la France car, comme l’a si joliment dit Arthur H : « C’est à nous de rendre cette modernité chaleureuse, vivante, de ne pas la laisser à ceux qui se l’approprient, qui la transforment en concept dépassé. Il faut créer une modernité colorée, rêver, inventer notre vie, ni glacée, ni apocalyptique ».
Alors, je vous le demande : apportez-moi votre énergie pour devenir votre Présidente, la Présidente de la France qui change fort ! La Présidente qui vous tend la main, où que vous soyez, pour que vous apportiez le meilleur de vous-même !
Vive la République ! Vive la France !
Vous lirez ci-dessous le discours prononcé par Ségolène ROYAL à Grenoble le 1er février dernier, en conclusion d’un débat participatif consacré à la jeunesse.
Chers amis, ce soir, à Grenoble, à vous et à travers vous, c’est à la jeunesse de France que je m’adresse, à toute une génération.
Je vous dirai la vérité car, de toutes les démagogies, la plus insupportable est celle qui ment aux jeunes. Et de toutes les droitures, la première est celle qui consiste à dire la vérité aux jeunes.
Et comme vient de le dire l’une d’entre vous, la jeunesse a la volonté et elle attend que les politiques balisent. Alors, ce soir, posons ensemble les balises de la France que nous voulons construire ensemble !
Jadis, un très jeune philosophe, Paul Nizan, qui mourut sous les balles des nazis, a écrit, dans Aden Arabie : « J’avais vingt ans ; je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. Tout menace de ruine un jeune homme » – j’y ajoute « une jeune fille » : « l’amour, les idées, la perte de sa famille, l’entrée parmi les grandes personnes. Il est dur de prendre sa place dans le monde ». Les mots ont vieilli, mais ils nous disent encore avec assez de force que ceux qui idéalisent la jeunesse, en général, lui mentent. Ceux qui idéalisent la jeunesse, en général, sont d’ailleurs ceux, souvent, qui la dénoncent comme cause de tous les problèmes. Car si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui l’ignore ou qui la frappe a toujours tort.
On le sait bien : vous, les jeunes, vous possédez un sentiment profond de la vie, le sens du tragique et le sens de la fête. Je crois que la jeunesse est à la fois angoissée par le doute sur son avenir – on vient de l’entendre, encore, ce soir – mais aussi portée par la passion de l’espérance – et ça aussi, nous l’avons entendu ce soir.
Alors, qu’est-ce qu’une femme socialiste, candidate à la Présidence de la République, peut vous dire ce soir qui ne soit pas convenu et qui ne triche pas avec vous ? Qu’elle sait tout, que tout vous sera donné sans effort ni travail ? Vous ne me croiriez pas et vous n’aimeriez pas. Alors, quoi ? Que lui promettre, à la jeunesse ? Avant de vous promettre, je voudrais vous demander quelque chose : j’ai besoin que vous gardiez intacte votre goût du combat, vos colères et vos refus. J’en ai besoin, car la France a besoin de votre capacité d’indignation, de mobilisation et d’imagination.
Oui, la Gauche aime la jeunesse fiévreuse, qui se lève et qui défend le principe d’une société solidaire, celle qui fait reculer la Droite sur le CPE hier, la jeunesse à fleur de peau, celle qui se dresse contre toutes les formes de discrimination, celle qui se sent citoyenne du monde et pas moins française pour autant, celle que toutes les inégalités révoltent, que tous les conformismes exaspèrent et que tous les mensonges indignent.
Aujourd’hui, en vous imposant dans le débat, comme vous l’avez fait et comme vous devez continuer à le faire, vous défendez les valeurs qui sont les vôtres, vos convictions et vos aspirations. Les grands combats de la jeunesse ont toujours produit les plus belles avancées. Je sais que, là aussi, je peux compter sur vous.
La jeunesse de la France à laquelle je m’adresse ce soir est celle pour qui la République n’est pas seulement un concept abstrait, mais un engagement vivant ; celle qui met sous sa garde, dans les écoles, les enfants étrangers sans papiers menacés d’expulsion ; celle qui lance des chantiers humanitaires aux quatre coins du monde ; celle qui maintient une vigilance et une solidarité intacts contre le SIDA, fléau cruel pour tous, mais encore plus injuste pour les jeunes, vous me l’avez souvent dit sur le site Désirs d’Avenir et dans les débats participatifs auxquels nombre d’entre-vous ont pris part. Comme l’a dit l’un d’entre eux le 25 janvier : « être jeune, c’est souvent être inquiet », c’est être cerné « de discours de terreur et de discours culpabilisants ». Avec beaucoup de lucidité, il ajoute : « la non-émancipation est peut-être l’une des causes de la violence ».
Et puis, je voudrais vous dire que je compte sur vous pour être les citoyens d’Europe, beaucoup plus que la génération précédente. Je crois à cet engagement pour l’Europe, mais elle reste à définir et à construire et je connais votre vigilance et vos refus. Je compte sur vous pour construire cette Europe, celle qu’aujourd’hui, font vivre les élèves et les étudiants dans les lycées et les campus de l’Union européenne, en créant ces dizaines de milliers de liens familiers, amicaux, affectifs et humains qui permettront, demain, de donner un nouveau souffle à l’Europe que nous voulons.
Je voudrais vous dire que j’ai reçu, j’ai compris ce que vous me dites dans les débats et sur les sites Internet. Vous ne voulez plus être otages du quotidien, vous voulez un avenir : moi aussi, et nous allons le construire ensemble !
Vous ne voulez plus survivre : vous voulez vivre. Moi aussi, et nous allons le faire ensemble !
Vous ne voulez plus subir un système froid, cynique, égoïste et calculateur : vous voulez construire une nouvelle France et nous allons la faire ensemble !
Cette élection est un choix de civilisation entre l’humanisme et l’égoïsme, entre la fraternité créative et la concurrence destructrice, entre le respect pour chacun ou la guerre de tous contre tous. Alors, je veux contribuer à vous ouvrir une perspective. Je veux que nous bâtissions ensemble une nouvelle donne avec la jeunesse de notre France, que nous aimons !
C’est vrai : 2007 ne doit pas être une élection pour rien. Par respect pour vous – un beau mot que celui de « respect », qui revient si souvent dans les textes de rap –, par respect pour celles et ceux qui vont souvent voter pour la première fois, par respect pour celles et ceux qui se sont mobilisés pour que vous vous inscriviez sur les listes électorales, je n’accepterai pas – et vous non plus – que le débat soit dévoyé, escamoté par le jeu de pièges, de manœuvres subalternes, d’harcèlements injurieux ou illicites.
Ce que nous construisons ensemble à travers des milliers de débats, ce que je veux porter au cours d’une campagne qui mobilisera des millions de Français, c’est le contrat d’avenir que nous voulons proposer aux Françaises et aux Français. Vous êtes venus massivement dialoguer sur les sites Internet, avec le Parti Socialiste, avec le MJS, avec la Ségosphère, avec Désirs d’Avenir : merci d’avoir pris la parole, merci d’avoir confié sans détours vos inquiétudes et vos attentes. Et encore une fois, ce soir, votre confiance m’oblige.
Et je voudrais vous dire qu’il n’y aura pas de nouvelle donne, qu’il n’y a pas de pacte entre générations sans une vision partagée de l’avenir. Je sais que certains désespèrent, se résignent face aux désordres et aux injustices, pensant qu’on ne peut rien faire. Et bien, moi, je suis venue vous dire : construisons ensemble les fondations d’une France accueillante à tous ces jeunes. Ouvrons-leur la porte car aujourd’hui, les portes et les fenêtres leur sont fermées. Je veux une France qui ouvre ses bras à tous ses enfants, d’où qu’ils viennent, de quelque quartier qu’ils habitent, quel que soit leur projet. Et cette France-là, il y a un immense chemin à parcourir pour que chacun s’y sente bien.
Et d’abord, connaître et exercer ses droits, entendre et remplir ses devoirs, pourvoir à ses besoins et assurer son bien-être sont les ressorts d’une société qui va de l’avant. De renoncement en renoncement, notre société demeure en manque d’idéal. Et pourtant, tout dépend de nous. Je vais vous faire une confidence : de qui dépend que les choses ne changent pas ? De nous ! Mis de qui dépend que les choses changent ? De nous, aussi ! Alors, avec vous et pour vous, les choses doivent changer, les choses vont changer en 2007 !
Je ne veux pas de cette société toujours plus violente où, comme me l’a dit l’un d’entre vous lors d’un débat, « une bonne partie des violences est engendrée par le manque de considération envers certains jeunes. Ils ne se sentent pas utiles à la Nation et ont, de ce fait, l’impression que la Nation ne fait rien pour eux, et donc, qu’ils ne lui doivent rien ». Et bien, moi, je ne veux pas de cette société qu’un autre nous prépare, cette société du « tous contre tous », cette société du « chacun pour soi ». Je ne veux pas d’un projet où la jeunesse est infantilisée, considérée comme une charge, voire comme une menace et même, comme un danger. Il y a ceux qui pensent que les jeunes sont un problème, qui n’en parlent qu’en termes de délinquance, qui ne cessent de les stigmatiser. Moi, je pense que les jeunes ne sont pas un problème : ils sont la solution à tous nos problèmes ! Car une société qui a peur de sa jeunesse est une société qui n’a plus confiance en elle, une société minée par la mauvaise conscience car elle sait qu’elle manque à son devoir d’hospitalité à l’égard de la génération suivante. Je veux, moi, une société qui vous fait confiance et pour cela, j’attends beaucoup de vous.
Voilà ce que disait, en décembre dernier, un jeune dans un débat participatif de Bretagne, comme, ce soir, l’une d’entre vous : « je connais une jeune diplômée qui a été nominée parmi les dix choisis pour le concours des jeunes créateurs de Dinard. Elle a eu des prix internationaux de design. Et quand elle cherche un emploi, on lui demande cinq à dix ans d’expérience, minimum. Cela fait qu’elle cherche depuis deux ans. En France, on ne tient pas compte du talent. Alors, toutes ses amies lui disent d’aller en Angleterre, en Italie, car il n’y a rien à espérer en France. Alors, quand est-ce que la France donnera un peu d’espoir à ses jeunes ? » Tout est dit et quand je lis ce message, quand je vous entends, je veux, pour la France, un droit au premier emploi pour tous les jeunes qualifiés et diplômés, car sans eux, la France ne pourra pas se redresser. Elle n’a pas le droit de gaspiller tous ces talents. C’est avec tous les jeunes qualifiés, diplômés, qui en veulent, qui veulent aller de l’avant et faire leurs preuves – et à tous ceux qui sortent sans qualification et sans formation, nous avons le devoir de leur en donner – mais toute cette énergie qui est aujourd’hui gaspillée, je veux que, demain, ce soit le carburant de la France, notre moteur écologique, car c’est de l’énergie renouvelable que vous avez. Alors, en avant avec cette énergie !
L’ascenseur social, comme le dit Jamel Debbouze, reste bloqué au sous-sol et ne dessert plus les étages du haut. Et le modèle que la Droite propose à nos enfants face aux grandes transformations du monde se résume à peu près à ceci : « sois compétitif, ne pense qu’à toi-même et surtout, tais-toi ! » Est-ce cela que vous voulez ?
Entre la génération des Trente Glorieuses et les « Cinq années piteuses », il y a parfois un fossé d’incompréhension et d’indifférence. Et je vous le dis ce soir : un ordre n’est pas juste, qui fait peser sur vos seules épaules les baisses d’impôts accordées, aujourd’hui, aux plus riches, car elles ne sont rien d’autre que les dettes de demain, qu’il vous faudra acquitter. Un ordre n’est pas juste, qui vous lègue un système de protection sociale qui protège de moins en moins. Ce n’est pas un ordre juste que de laisser perdurer des inégalités qui ne cessent de s’aggraver tout au long de la vie, de l’enfance à l’âge de la retraite, selon que l’on est né à Neuilly ou à Vaulx-en-Velin. Pourquoi, et au nom de quelle loi écrite ou de quelle sentence secrète, Pierre ou Paul aurait-il plus de chances que Djamila ? Un ordre n’est pas juste lorsqu’à diplôme égal, les femmes, les jeunes filles gagnent encore vingt à trente pour cent de moins que les garçons. Ca, je dis que le pacte social est rompu et que nous le rétablirons !
Un ordre n’est pas juste, qui considère les enfants de la République inégaux en droits tout en leur imposant les mêmes devoirs. Et ne pas entendre cette revendication bloque l’avenir de toute une génération, pour qui la justice, la dignité et l’égalité sont devenues les aspirations vitales, et la surdité devant cette demande légitime, déjà un cri de souffrance dans les quartiers ou dans le milieu rural isolé, est synonyme de désordre et d’injustice. Je ne peux pas m’y résoudre : il ne suffira pas d’envoyer tous les bataillons de police ou de gendarmerie, cela n’y changera rien, sinon que nous aurons plus de violence encore, des frustrations, des humiliations et des tensions. Car on sait bien que, dans les banlieues où les révoltes se sont levées en 2005, rien n’est réglé. Par les mots de la provocation, rien n’est réglé. Au contraire : la situation se dégrade.
Le couvercle a été mis avec l’espoir qu’il tienne jusqu’à l’élection, à moins que l’organisation de la sécurité devienne un argument de campagne pour faire peur dans la dernière ligne droite et frapper les esprits, complaisamment relayé par les médias amis du pouvoir, ceux-là même qui se demandent tous les jours si je vais tenir et s’il ne faudrait pas changer de candidate. J’entendais ça ce matin. Alors, ces médias amis du pouvoir, qui relaient tous les coups, tous les pièges, tous les chausse-trappes, je leur dis, ce soir, qu’avec vous, nous n’avons pas peur et que nous resterons debout !
Oui, nous resterons debout et nous combattrons, parce que nous avons aussi à réussir des combats de vérité. Je pense à Bouna, à Zyed et Muhittin, à ces jeunes électrocutés de Clichy. Et je dis à leurs familles que nous n’aurons de cesse que la vérité soit connue dans la tragédie qui a pris leur jeune vie, au-delà du mensonge du Ministre de l’Intérieur.
Car il n’y a pas, pour moi, deux jeunesses, l’une qui serait vouée à la réussite et l’autre – qu’elle se débrouille –, condamnée à l’échec. Il n’y en a qu’une : la jeunesse de France. Bien sûr, que les plus doués redoublent d’efforts, qu’ils soient les meilleurs. Mais cela ne suffit pas : je veux qu’ils tendent la main à ceux qui hésitent ou qui trébuchent, pour qu’ils prennent avec nous, tous ensemble, le chemin de la France qui se redressera. Et oui, vous avez raison de revendiquer votre droit à l’avenir. Et je suis candidate à l’élection présidentielle pour gagner ce pouvoir d’agir, mais surtout pour vous le rendre, pour que nous agissions ensemble !
La France de demain, c’est vous. Vous êtes les meilleurs experts de votre propre vie. Cette expertise citoyenne, que vous avez si bien exprimée, celle de Karim, de Toulon, qui ne comprend pas pourquoi il doit subir, plusieurs fois par jour, les contrôles d’identité, celle d’Elise, de Paris, qui doit cacher qu’elle est enceinte à ses futurs employeurs lors de ses entretiens pour espérer décrocher une emploi, celle de ces étudiants qui travaillent la nuit pour étudier le jour, celle de ces jeunes chefs d’entreprise qui innovent, qui créent et qui, pourtant, doivent cautionner sur leur patrimoine propre les découverts et les emprunts de l’entreprise car, parce qu’ils sont jeunes, et tout simplement parce qu’ils sont jeunes, on ne leur fait pas confiance.
Ce sont ces enfants et petits-enfants de mineurs, d’agriculteurs et de salariés des grandes industries à qui l’on a dit : « rien ne sera plus comme avant » et qui demandent, sans succès, à « être aidés pour reconstruire l’après ». Ce sont ces milliers de jeunes qui croient en la valeur-travail mais qui, chaque jour, se rendent compte à quel point il est dévalué, il a été sapé par la précarité avec pour seul horizon, un stage non rémunéré, la précarité et l’incertitude.
Ce sont ceux qui ont érigé la précarité en norme de référence qui ont détruit la valeur-travail et qui n’ont plus, aujourd’hui, aucune légitimité politique pour la défendre. C’est nous qui la défendrons, parce que c’est le respect du salarié et du travailleur, la sécurité dans le contrat de travail, le salaire décent et durable qui constituent les fondamentaux de la valeur-travail et non pas le contraire. C’est la précarité qui tue la valeur-travail. Ce sont les bas salaires qui tuent la valeur-travail. Ce sont les salariés « jetés » qui tuent la valeur-travail. Ce sont les exonérations fiscales aux plus riches qui tuent la valeur-travail. Ce sont les rémunérations scandaleuses des hauts dirigeants d’entreprises et les stock-options qui sapent la valeur-travail. Ce sont les inégalités économiques et sociales qui sapent et qui gangrènent la valeur-travail. Alors, il nous appartiendra de la remettre debout, cette valeur-travail, de lui redonner tout son sens. Et pour cela, il faut mettre en avant l’investissement dans la valeur humaine, dans l’humain, et non pas dans le capital prioritairement. Et je le dis ici : je serai la Présidente de la République qui réalisera ce que la Gauche a souvent promis, mais jamais réalisé : faire en sorte qu’une bonne fois pour toutes, le travail soit moins taxé que le capital !
Et je veux, avec vous, une nouvelle ambition pour l’éducation. Aujourd’hui, notre système éducatif reproduit encore, souvent cruellement, les inégalités sociales et ne permet pas à tous d’acquérir les connaissances et les compétences auxquelles chaque citoyen a pourtant droit. De la maternelle à la fin des études, que ce soit dans les centres d’apprentissage ou à l’Université, beaucoup doutent de leur droit d’accès dans une société où l’incertitude professionnelle domine. La France doit investir massivement dans l’éducation : on ne peut plus supporter que cent cinquante mille jeunes sortent chaque année sans qualification du système éducatif. Et c’est le moment que la Droite choisit pour supprimer, à la rentrée prochaine, cinq mille postes d’enseignants dans le système scolaire, alors qu’il y a encore tant à faire. Donner à chaque jeune le bagage nécessaire pour affronter la vie professionnelle et la vie tout court est un objectif non négociable. Et si l’ambition républicaine d’égalité scolaire doit être enfin réalisée, l’excellence scolaire doit aussi être présente sur tous les territoires : des classes préparatoires aux grandes écoles seront implantées dans les quartiers où elles ont toujours été absentes et chaque lycée devra ouvrir à au moins cinq pour cent de ses élèves la possibilité d’entrer dans les classes préparatoires ou en Institut Universitaire de Technologie. J’en fais ce soir le serment. Cet engagement-là, il sera réalisé.
Et puis, c’est à vous, les jeunes, que je m’adresse pour préparer l’après-pétrole et engager les dépenses d’avenir qui protègeront notre planète. C’est pour votre génération que nous devons agir sans tarder et pour celles de vos enfants et de vos petits-enfants, qui nous demanderont des comptes sur nos négligences ou sur nos courages. Ensemble, il nous faut nous battre pour que, demain, notre air, nos eaux, nos forêts reviennent aux générations futures sans autre droit de succession que le devoir de les préserver. C’est cela, l’excellence environnementale et c’est vous qui en êtes les premiers acteurs. La réduction des inégalités Nord-Sud en dépend. C’est vous, les combattants de la réduction des inégalités entre les pays riches du Nord et les pays pauvres du Sud. C’est sur eux que va peser massivement le réchauffement de la planète. C’est là que se trouvent les foyers de guerres et de conflits, les déplacements massifs de populations à la recherche de l’eau potable et fuyant les zones qui se désertifient. Ce défi-là, nous avons à le relever, parce que nous ne nous sauverons pas tout seuls. Seule la façon dont nous saurons faire accéder au développement, à faire sortir de la pauvreté les pays les plus pauvres nous permettra de maîtriser les migrations de la misère. Nous ne les maîtriserons pas, ces migrations, avec des barbelés ou avec des policiers toujours plus nombreux aux frontières. Nous les maîtriserons grâce à un ordre international plus juste.
Et enfin, aussi, je veux une nouvelle donne avec la jeunesse quand l’état de santé des jeunes se dégrade. Un étudiant sur quatre renonce à des soins faute d’avoir les moyens d’aller chez le médecin. Aujourd’hui, la prévention est beaucoup trop faible, alors que la poly-consommation de drogues fait d’ores et déjà des ravages. Je veux la mise en place d’une carte santé jeune, pour que les jeunes puissent bénéficier de consultations médicales gratuites. Et parce que je pense que les grossesses précoces non désirées constituent une atteinte insupportable à la liberté des filles, je réaliserai la contraception gratuite pour toutes les jeunes filles jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans. C’est une exigence d’égalité, de liberté et de justice !
Je veux une nouvelle donne avec les jeunes pour le logement. Je l’ai dit tout à l’heure : trois cent mille jeunes sont contraints de rester chez leurs parents parce qu’ils ne trouvent pas de logement. Je crois que l’accès à l’autonomie est le fondement essentiel pour avoir le droit, à son tour, de construire une famille. Et donc, ce besoin fondamental, cette liberté fondamentale, nous devrons la réaliser dans le cadre de cette nouvelle donne.
Et je veux aussi une nouvelle donne avec la jeunesse pour que dans les entreprises, dans les partis politiques, dans les syndicats et dans les associations, vous puissiez réellement exercer des responsabilités à la mesure de vos engagements.
Je veux une nouvelle donne avec la jeunesse, un nouveau contrat moral et politique. La jeunesse, ce n’est pas la variable d’ajustement, première embauchée lorsque l’économie repart, première licenciée lorsque l’économie ralentit. Vous aspirez à prendre en main votre avenir. Vous le démontrez en animant des milliers d’associations à travers la France. Les jeunes veulent parvenir à l’autonomie pour construire eux-mêmes leur vie. Je l’ai dit tout à l’heure, je le confirme ici : je veux que cette aspiration à l’autonomie se concrétise. Car derrière cette aspiration, il y a une demande de reconnaissance. Derrière cette aspiration à l’autonomie, il y a une demande de dignité. Derrière cette aspiration à l’autonomie, il y a la revendication d’un droit à projeter sa vie dans l’avenir.
Alors, c’est le devoir de tout parent que de faire en sorte que ses enfants soient correctement éduqués, aimés et encadrés, avec la juste autorité dont ils ont besoin, et je le dis sans démagogie : ce qu’une génération doit à la suivante, c’est la limite. De même, c’est le devoir de toute société d’assurer un avenir meilleur aux générations suivantes. C’est cela que j’appelle, tout simplement, le droit à l’avenir. Ce droit à l’avenir que la folie néo-libérale détruit. Il n’est pas normal, en effet, que tant de jeunes diplômés exercent des emplois qui demandent des qualifications bien inférieures à celles dont ils disposent et qui, dès lors, prennent la place de ceux qui n’ont pas la chance d’avoir de si hautes qualifications et qui, donc, perdent les emplois qui leur sont destinés. C’est le « descenseur social ». Je veux stopper ce descenseur social et re-tirer l’ensemble des générations vers le haut, car c’est un gâchis énorme pour nos sociétés.
Oui, ce droit à l’avenir, nous allons le conquérir. Comme dans une course de relais, pour gagner, il nous faudra transmettre la flamme, en permettant à la nouvelle génération de commencer la course dans les meilleures conditions.
Je veux opposer une morale de l’action à ceux qui viennent de nous annoncer un nouveau contrat de travail qui n’est rien d’autre que le CNE ou le CPE généralisé. Non ! Il faut empêcher ça !
Vous êtes les enfants de la République. Pour que la République soit à la hauteur de son idéal et des attentes de tous ses enfants, notre histoire doit être partagée et notre mémoire, commune. Au moment où Aimé Césaire rejoint notre combat, je m’adresse à votre génération qui n’a connu ni la colonisation, ni la décolonisation et qui, donc, sans complexe, pourra se retourner vers son histoire pour qu’elle soit celle de tous. Je l’ai déjà dit, je vous le redis solennellement ce soir, car c’est un engagement que je tiendrai : je veux une France qui s’accepte telle qu’elle est devenue et qui considère même que c’est une chance plurielle, diverse, colorée, qui s’en réjouisse et qui sache en tirer parti.
Je veux une France qui reconnaisse comme ses enfants légitimes tous ceux dont les familles sont venues d’ailleurs et qui sont aujourd’hui des Français à part entière, quoique toujours en butte aux discriminations et aux contrôles d’identité. Je vous le redis du fond du cœur : la France a besoin de vous, car vous êtes notre chance. Je veux un pays qui vous écoute, un pays qui vous comprenne, mais un pays qui soit exigeant envers vous, un pays qui vous épaule dans tout ce que vous entreprenez, sans démagogie, un pays qui entende ce que lui dit Diam’s dans « Ma France à moi » : « Il ne faut pas croire qu’on la déteste, mais elle nous ment (…). Ma France à moi leur tiendra tête jusqu’à ce qu’ils nous respectent ». Je ne veux plus entendre parler de deuxième, troisième ou quatrième génération pour certains enfants d’immigrés alors qu’on ne le fait jamais pour ceux dont les familles sont originaires d’Europe. Je ne veux plus entendre parler, sans arrêt, d’intégration, comme s’il vous fallait toujours administrer la preuve que vous n’êtes pas moins Français que les autres, alors que ce qui fait obstacle sur votre chemin, ce n’est pas un besoin de discrimination positive, c’est tout simplement un déficit d’égalité, donc un besoin, tout simplement, d’égalité réelle. C’est cela, le défi qu’il faut construire !
Je veux une France qui assume avec lucidité une histoire partagée, respectueuse de toutes les mémoires et accueillante à tous les siens. Une France fière de sa République et de sa laïcité quand elles correspondent à ces valeurs universelles qui nous permettent de dialoguer avec le monde, sans que de vieux relents de « mission civilisatrice » fassent subrepticement leur retour dans nos mots et dans nos attitudes.
Ni amnésie, ni repentance : je veux une France capable de porter un regard apaisé et de poser les mots justes sur son histoire ; capable de reconnaître l’esclavage pour ce qu’il fut : un crime contre l’humanité, sans effet bénéfique ; capable de reconnaître la colonisation pour ce qu’elle fit, sans effet bénéfique : dominer et spolier ; capable de reconnaître la part prise par la police de Vichy dans la rafle de Vel d’Hiv et dans la déportation des Juifs français.
Je veux que les enfants des harkis et ceux des militants du FLN, ceux qui vont à la synagogue, à la mosquée, au temple, à l’église, et ceux qui n’y vont pas, fassent vivre entre eux cette valeur de fraternité qui est le plus beau message de la République, en refusant tous les communautarismes. C’est à votre génération de refuser tous les communautarismes ! Ne l’oubliez pas, parce qu’en grandissant, les barrières se dressent, les limites s’installent, les manipulations trouvent leur place. La recherche de je ne sais quelle paix sociale pousse les gens à se replier sur eux-mêmes et sur je ne sais quelle communauté. C’est à vous de refuser cela, parce que c’est vous qui, à votre âge, avez encore la conscience du refus de ces barrières et la soif profonde de l’universalité des valeurs. Pour cela, je compte sur vous. Le combat ne sera pas facile, mais ce combat, il faudra le gagner, parce que la République en dépend, avec ses principes de liberté, d’égalité, de fraternité et d’universalité.
Je vous propose une nouvelle ambition contre tous les racismes et contre toutes les formes de rejet de l’autre sous le prétexte du handicap, de la couleur, de l’origine, de l’aspect physique, du genre ou des préférences amoureuses. Et je propose une justice des discriminations, pour que la justice soit réellement en capacité de sanctionner, et donc de prévenir, car si les sanctions étaient efficaces, les discriminations reculeraient. Pour sanctionner, donc, celles et ceux qui pratiquent quotidiennement ces insultes à la République. Je veux que chaque jeune Français soit en France chez lui et que chaque jeune qui aspire à venir en France pour y réussir soit aussi correctement accueilli. Je veux que chaque regard, quelle que soit sa couleur de peau, soit un signe de bienvenue.
Et puis, issu aussi des débats participatifs, vous allez peut-être penser que ce rapprochement est un raccourci : je pense aussi au droit à la mobilité. Quand je vois des jeunes arrêtés, sanctionnés, disqualifiés, marqués parce qu’ils ont conduit sans permis de conduire, alors qu’on sait que le permis de conduire, ça coûte cher et que ces jeunes n’ont d’abord pas les moyens de se payer le permis de conduire, je dis qu’au nom de ce droit fondamental, ce droit à la mobilité et ce droit à la sécurité, et bien, nous généraliserons au plan national ce qu’ont commencé à faire quelques régions socialistes, en commençant par les jeunes qui sont au premier niveau de la formation professionnelle, en commençant par les jeunes apprentis qui réussissent leur CAP : la République leur paiera le permis de conduire. C’est à la fois une récompense de leur effort d’avoir accédé à cette première qualification, et beaucoup de jeunes, dans les métiers manuels, ont, en plus, besoin de ce permis pour aller travailler. C’est à la fois une récompense de leur effort et un droit fondamental à la mobilité.
Tout cela, c’est le premier étage d’un dispositif d’ensemble : un modèle qui replace le citoyen, son autonomie et donc, sa dignité au centre de toute politique de l’emploi, et pas seulement pour celle des jeunes. Cela se prolongera avec le droit au premier emploi : je ne veux plus qu’un jeune qualifié ou diplômé reste sans rémunération et au chômage au-delà de six mois sans avoir, soit une formation complémentaire rémunérée, soit un emploi. J’appellerai les entreprises à exercer leur devoir, parce que tendre la main à un jeune qualifié ou à un jeune diplômé, c’est préparer la ressource professionnelle qualifiée de demain et il est de l’intérêt même des entreprises que de faire cet effort pour donner à tous les jeunes, ceux qui n’ont pas de piston, ceux qui n’ont pas de soutien, ceux qui n’ont pas de relations et qui, souvent, à diplôme égal, n’ont pas la chance de faire leurs preuves. Les entreprises devront se bouger pour faire en sorte que notre jeunesse ne soit plus gaspillée.
Enfin, je voudrais vous dire que ce que je veux, pour vous aussi, c’est la conquête de l’esprit d’entreprise, de l’esprit de création. Je veux que, partout, ces jeunes que je vois bien formés, parlant des langues, étant bien mieux formés que notre génération… Quand on nous dit, ici ou là : « le niveau du bac baisse » ou « le niveau des diplômes baisse », ce n’est pas vrai du tout ! Les jeunes dans le système scolaire, je les vois, je les compare par rapport à notre génération : et bien, vous êtes bien mieux formés, bien plus dégourdis, ouverts sur le monde, ouverts sur les autres, lisant la presse, allant sur Internet ; il y a un potentiel extraordinaire et jamais je ne tolèrerai que l’on continue à dire que les jeunes sont moins bien formés que lors de la génération précédente. Non seulement ils sont mieux formés, mais ils sont aujourd’hui moins bien rémunérés et moins bien accueillis dans le système économique. Et ça, ça n’est plus possible ! C’est cette France-là qu’il faudra remettre à l’endroit parce qu’aujourd’hui, elle marche à l’envers !
Un dernier mot avant de nous séparer, mais pour nous retrouver dans d’autres réunions.
Je vous invite à faire plus encore progresser la cause des jeunes, dans un pays qui re-tisse solidement les liens de respect, d’affection et de solidarité entre toutes ses générations. Je vous invite à changer la France car, comme l’a si joliment dit Arthur H : « C’est à nous de rendre cette modernité chaleureuse, vivante, de ne pas la laisser à ceux qui se l’approprient, qui la transforment en concept dépassé. Il faut créer une modernité colorée, rêver, inventer notre vie, ni glacée, ni apocalyptique ».
Alors, je vous le demande : apportez-moi votre énergie pour devenir votre Présidente, la Présidente de la France qui change fort ! La Présidente qui vous tend la main, où que vous soyez, pour que vous apportiez le meilleur de vous-même !
Vive la République ! Vive la France !
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